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Eviter la requalification en contrat de travail pour les coursiers et chauffeurs de plateformes numériques, mission impossible ?

Publié par Frédéric Calinaud, membre d'Avosial le - mis à jour à

La décision remarquée de la Cour de cassation fin 2018 sur l'affaire "Take Eat Easy" a marqué un tournant dans l'histoire des plateformes de mise en relation et la définition des contrats qui les lient aux coursiers. La décision de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire " Uber " lui emboite le pas

Contrat de travail ou contrat de prestation de service ? Telle était la question posée à la haute juridiction et à la Cour d'appel à l'occasion de ces affaires.

Une qualification qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond

Rappelons que la qualification du contrat ne peut être subordonnée à la seule volonté des parties et est d'ordre public. En conséquence, peu important ce qu'il a été convenu et contractualisé, les juges apprécient si une situation relève, dans les faits, d'un contrat de travail ou non.

Pour répondre à cette question, la plus haute juridiction française disposait d'une pléiade de décisions définissant la relation de travail comme reposant sur trois critères, à savoir la prestation de travail, la rémunération, et un lien de subordination, déterminé, lui, par un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements.

Que nous dit la Cour de cassation dans l'affaire " Take Eat Easy " ?

Dans sa décision du 28 novembre 2018, la Cour de cassation énonce que les coursiers, du moins ceux de la plateforme " Take Eat Easy ", aujourd'hui en cours de liquidation, sont des travailleurs salariés, motif pris que " l'application [mobile utilisée par les coursiers] était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d'autre part, que la société Take Eat Easy disposait d'un pouvoir de sanction à l'égard du coursier ".

Rappelons qu'à ce stade, toutes les plateformes n'ont pas les mêmes modèles de fonctionnement ni les mêmes conditions générales de sorte que la solution de la Cour doit être relativisée. Dans la même veine, les juges se retrouvent souvent à analyser des situations qui, en pratique, ne sont déjà plus d'actualité au sein des plateformes, celles-ci évoluant rapidement.

Force est de constater néanmoins qu'elle s'attaque frontalement aux outils fondamentaux qui permettent le fonctionnement des plateformes de mise en relation que sont la géolocalisation (de ses chauffeurs/ coursiers et de ses utilisateurs) et l'obscur contrôle qu'elle peut opérer sur l'efficacité de ces derniers. Par ailleurs, cette décision tranche fortement avec l'habituelle clémence qu'adoptait la Cour d'appel de Paris vis-à-vis de ces situations jusqu'alors.

Qu'en est-il de la Cour d'appel dans l'affaire " Uber " ?

Notons que les frontières de ces contrôles sont légères dans la mesure où la Cour d'appel de Paris a indiqué, dans le dossier " Uber " (opposant un ancien chauffeur à la plateforme), qu'un SMS libellé " Etes-vous encore là ? " est susceptible de qualifier un tel contrôle. Ainsi, par une décision très classique, juridiquement la Cour d'appel a aussi considéré que le chauffeur Uber était en réalité un salarié, soumis au droit du travail.

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