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[Tribune] Contrôle Urssaf: la fin ne justifie pas tous les moyens

Publié par François Taquet (Iéseg School of Management) le - mis à jour à

Selon l'Acoss, la caisse nationale des Urssaf, plus de 80% des cotisans considèrent que leur dossier est traité avec professionnalisme. Pourtant, nombre de chefs d'entreprise pointent un manque de dialogue, lors des vérifications, une absence de transparence et une insécurité juridique!

Chaque année, au cours de l'été, l'Acoss, caisse nationale des Urssaf, publie son rapport sur l'année écoulée. Le dernier en date vaut la peine d'être parcouru: on y apprend, avec des statistiques dignes de l'ex-Union Soviétique, que 90% des cotisants seraient satisfaits par la qualité du service offert par les organismes de la branche et que plus de 80% d'entre eux considèrent que leur dossier est traité avec professionnalisme. En un mot, dans ce monde presque idéal, il n'y aurait pas de difficulté. Comme l'indique le directeur du recouvrement, "la satisfaction et la reconnaissance du service étant des facteurs déterminants du consentement au prélèvement social et de la performance du recouvrement ". Dans le même temps, on apprend (chiffre moins réjouissant ) que 60% des contrôles donnent lieu à redressement, c'est-à-dire que plus d'un employeur sur deux, serait dans le jargon de l'Urssaf, un "fraudeur" !

Manque de dialogue et absence de transparence

Le problème est que cet univers de bisounours, où même les personnes redressées semblent contentes de leur sort, ne correspond guère à la réalité ! Le professionnel que je suis peut en témoigner. Et il m'arrive même de me demander si les personnes qui écrivent ces rapports ont assisté de près ou de loin à un contrôle Urssaf ! On ne compte plus en effet, les situations où les chefs d'entreprise soulignent le manque de dialogue lors des vérifications, l'absence de transparence, le non respect du principe du contradictoire, l'insécurité juridique. On ne compte plus les critiques sur les commissions de recours amiables (première étape du contentieux), où le cotisant n'est même pas invité à s'exprimer, et qui n'ont bien souvent d'amiable que le nom! Mais de cela personne n'en parle! Quant à la partie relative au travail dissimulé, sans doute eut il fallu que l'Acoss fournisse certains exemples de ce que les organismes de recouvrement considèrent comme du travail dissimulé, afin d'être complète sur le sujet ! Ainsi, pour l'Urssaf de Rennes, le fait pour un client dans un bistrot de rapporter son verre au comptoir est du travail dissimulé. De même est-il pour l'Urssaf du Nord, les jeunes filles défilant bénévolement en robe de mariée pour une entreprise de vente de vêtement sont d'odieuses travailleuses illégales. Il en est également ainsi pour la mamie qui aide ses enfants dans un restaurant ! Les exemples pourraient être déclinés à l'infini !

Quant aux causes de redressement, on peut parfois se demander si celles-ci sont décidées avec intelligence. Il y a peu, un collectif de 17 députés a alerté les pouvoirs publics sur le redressement de plus de 500000 euros à l'encontre des compagnons d'Emmaus, les organismes de recouvrement ayant décidé, avec la bénédiction bienveillante des juges, que le pécule de 20 euros par semaine octroyé aux compagnons équivalait à un salaire !

Une mission pour améliorer les liens entre les entreprises et l'Urssaf

Cette situation délirante a été entendue au sommet de l'Etat puisque le Premier Ministre vient de confier à deux députés (Bernard Gérard, UMP, et Marc Goua, PS) une mission pour améliorer les liens entre les entreprises et l'Urssaf. Un des objectifs est, selon Manuel Valls, de "donner davantage de sécurité aux entreprises dans l'application de la législation sociale". Car, ce qui pose question, aujourd'hui, n'est bien sûr pas la légitimité et la nécessité des contrôles, mais les conditions dans lesquelles ils sont mis en oeuvre alors que dans le même temps, la législation devient de plus en plus compliquée et que les pouvoirs des organismes sociaux deviennent exorbitants. Ainsi les Urssaf contrôlent le respect des dispositions du code du travail, les indemnités de rupture, la prévoyance, les avantages versés par les comités d'entreprises. Même les professionnels sont obligés de réfléchir avant de se prononcer sur le traitement social de l'épargne salariale ou sur l'indemnité de rupture .... alors que dire pour les TPE, qui représentent 90% des entreprises en France et que les Urssaf contrôlent très régulièrement? Aujourd'hui, qui peut nier que la plupart des chefs d'entreprise qui se font redresser le sont de bonne foi ?

Alors espérons que le rapport présentera des pistes pour que le contrôle soit compris par les entreprises, et qu'il contribuera à améliorer le dialogue et la sécurité juridique. En un mot, que les Urssaf évoluent d'une administration punitive en une administration aidante !

L'expert

François Taquet est professeur de droit social à l'IÉSEG School of Management, et avocat spécialiste en droit du travail et protection sociale

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