[Tribune] Election de Donald Trump : quel impact pour les entreprises françaises ?
Publié par Aline Darmouni le | Mis à jour le
Les premières mesures instaurées par décret par Donald Trump sont sources d'inquiétude pour de nombreux observateurs. Qu'en est-il de sa politique économique et fiscale ? Quel sera l'impact de ses orientations sur les entreprises françaises implantées aux États-Unis ou commerçant avec le pays?
Lors de sa campagne, Donald Trump a martelé sa volonté de dynamiser l'économie américaine grâce à une politique fiscale et économique " pro-business ". Car, contrairement à certaines idées reçues, les États-Unis sont actuellement l'un des pays occidentaux proposant la fiscalité la plus lourde sur les entreprises, avec un taux d'imposition fédéral fixé à 35%.
Une fiscalité accusée de faire fuir les entreprises américaines et de les inciter à placer leurs bénéfices dans des places offshore. Pour mettre fin à cette évasion des capitaux vers les paradis fiscaux, le nouveau président avait promis dans son programme de créer un "Pact Heaven" qui offre une fiscalité compétitive grâce à une politique agressive de baisse des taux d'imposition.
Une chute du taux d'imposition
Deux mesures phares devraient ainsi être présentées dans les prochaines semaines :
- Une baisse du taux de l'impôt fédéral sur les bénéfices des entreprises, qui passera de 35% à 15%. Cette mesure sera financée par un élargissement de l'assiette d'imposition et par la suppression de toutes les niches fiscales, à l'exception du crédit d'impôt sur la R&D.
- L'instauration d'un taux unique d'imposition à 10% sur les bénéfices rapatriés, pendant une durée limitée, pour supprimer l'imposition confiscatoire des bénéfices réalisés à l'étranger au moment de leur rapatriement. Cette mesure vise à inciter les grands groupes à rapatrier leur trésorerie et à la réinvestir aux USA.
Cet environnement fiscal favorable vient renforcer l'attractivité de la première puissance économique mondiale. Un atout supplémentaire pour les entrepreneurs projetant de s'installer ou de produire aux États-Unis. En parallèle, les investisseurs français bénéficieront d'un dollar fort, qui facilitera leurs investissements en leur évitant un taux de change trop élevé.
Des spécificités américaines à prendre en compte
Si vous avez pour projet de vous implanter Outre-atlantique, vous devez toutefois prendre en compte certaines spécificités.
Tout d'abord, les États-Unis sont un état fédéral, ce qui suppose plusieurs points d'attention. La fiscalité y est fixée à trois différents niveaux : État fédéral, État et Comté. Il est possible par exemple que la TVA ne soit pas identique entre deux comtés d'un même État. Au même titre, le droit du travail diffère en fonction des régions.
Par exemple, le Texas se rapproche du droit du travail français, quand en Floride, les conditions d'embauche et de licenciement sont plus souples. Toujours sur ce principe fédéral, il faudra être vigilant sur l'enregistrement de l'entreprise. En effet, si celle-ci s'étend sur deux états, l'entrepreneur devra l'enregistrer doublement !
De plus, le droit commercial y est bien moins précis que le droit commercial français car la hiérarchie des normes est inverse. Si en France, un contrat ne peut pas déroger au code du commerce, les relations commerciales aux États-Unis sont régies à 99% par le contrat signé entre deux partenaires. De fait, il existe autant de règles que de contrats, ce qui nécessite à la fois prudence et vigilance lors de la signature ! Il est donc essentiel d'avoir bien étudié son marché et d'avoir un business plan solide avant de définitivement passer le cap.
"America First" : quel impact pour les entreprises françaises exportatrices ?
Si le contexte fiscal semble favorable pour les entreprises souhaitant s'installer aux États-Unis, il n'en va pas de même pour celles qui y exportent. En effet, Donald Trump a publiquement remis en cause le principe de libre-échange, dénonçant ses effets négatifs et promouvant le protectionnisme. Certains traités vont ainsi être renégociés : l'ALENA avec le Canada et le Mexique ou le TPP avec l'Asie. Les discussions en cours sur le TAFTA, accord entre l'Union Européenne et les États-Unis, pourraient ne pas aboutir.
Autre inquiétude : la volonté du président américain d'augmenter les droits de douane sur les importations de biens. Pour autant, aucune mesure concrète n'a été prise en ce sens, et aucun taux n'a été évoqué.
Les PME françaises ont tout de même des raisons d'espérer conserver un climat commercial favorable avec les États-Unis. Premièrement, outre le TAFTA, il existe des traités commerciaux bilatéraux entre la France et les USA qui n'ont pas été remis en cause et dont la renégociation reste peu probable car très complexe. De plus, l'augmentation des droits de douanes, cumulée avec la politique de grands travaux amorcée par l'administration Trump, risque de faire croître considérablement l'inflation dans le pays. Afin de la limiter, la hausse des taxes sur les importations sera certainement restreinte.
Cela, ajouté à un dollar fort offrant un taux de change favorable pour la France, permettra de limiter l'impact d'une taxation sur les exportations françaises vers les États-Unis. Enfin, des entreprises françaises à forte valeur ajoutée, dans des secteurs comme le BTP, pourraient profiter de la politique de grands travaux lancée par le président américain.
Les États-Unis et la France entretiennent une relation commerciale étroite, depuis longtemps. En effet, il s'agit du deuxième client de la France, et réciproquement, l'Hexagone est le huitième pays fournisseur des États-Unis, selon les statistiques de l'ambassade de France. Si cette interdépendance est un gage de stabilité, elle oblige également les dirigeants à être vigilantes aux mesures concrètes que prendra l'administration américaine.
Les entrepreneurs français devront donc suivre avec attention l'évolution de la politique fiscale et commerciale de la nouvelle administration américaine pour juger de l'opportunité de s'installer aux États-Unis mais également adapter leur stratégie d'exportation.
L'auteur
Aline Darmouni est associée fondatrice et gérante d'EXCO US ATRIUM, cabinet implanté à Miami et San Diego, membre du réseau EXCO depuis décembre 2016 et ayant développé un savoir-faire et une expertise dans l'accompagnement des entreprises Françaises et fonds immobiliers aux Etats-Unis.