Associés : favorisez l'objectivité et l'engagement long terme
Publié par Patrice Arzillier, operating partner chez I&S Adviser le - mis à jour à
Beaucoup de choses sont écrites sur les relations entre associés. Cependant, en cas de conflit, les aspects techniques et juridiques ne suffiront pas pour le résoudre. Car ce sont aussi des histoires d'hommes et de femmes qui demandent du recul, de l'objectivité et des échanges.
La relation entre associés est aussi précieuse qu'elle est fragile et compliquée. Basée sur l'humain, elle demande de l'attention et de l'investissement à long terme. Dès qu'il y a une fissure, aussi fine soit-elle, alors tout peut très vite prendre l'eau. Et plus il y a d'associés, plus il y a de risques de fissures et de remises en question.
Au-delà des conseils régulièrement donnés sur les aspects techniques afin de monter une association entrepreneuriale conçue pour durer - choisir des personnes partageant votre vision et vos valeurs, définir des missions et rôles qui ne se recouvrent pas, rédiger un pacte d'associés -, il est essentiel de se pencher sur la dimension humaine de la relation entre associés. Car malgré la vigilance accordée à chacun de ces points, un grippage dans les relations interpersonnelles peut mettre en péril une entreprise. Et comme dans tout divorce, c'est compliqué, éprouvant et il reste toujours des cicatrices.
Quatre sujets doivent plus particulièrement concentrer l'attention des dirigeants pour éviter d'atteindre un point de non-retour et limiter les risques de rupture.
Aimer les "défauts" de l'autre, à long terme et en toute objectivité
Quand on décide de monter un projet d'entreprise avec une autre personne, il est essentiel d'accepter ses défauts, voire de les aimer pour ce qu'ils apportent au projet et pour la façon dont ils complètent ce que l'on apporte soi-même. Il ne suffit pas de les connaître au moment de la signature du pacte d'associés, il faut être prêt à assumer ces différences dans le temps, y compris quand la situation se tend ou devient complexe.
Pour que cela se traduise dans le quotidien, il est fondamental de répartir les rôles entre les associés pour que chacun ait son propre terrain de jeu au regard de ses points forts et de ses centres d'intérêt, et en évitant autant que possible les recouvrements de compétences. A chacun ensuite de respecter le territoire qui lui a été attribué de manière concertée et qu'il a accepté.
Il peut aussi être utile de se rappeler régulièrement et réciproquement que la richesse d'une association réside en grande partie dans les différences qui existent entre les associés. Cela suppose d'accepter d'être challengé, d'écouter et de tolérer des avis différents du sien, de composer avec les manies et obsessions de l'autre, etc.
Éviter les non-dits, optez pour un "management system" qui prévoit du temps pour se parler
Les non-dits sont un autre danger. Comme dans toute relation interpersonnelle, la communication est essentielle. L'une des pistes pour la maintenir et l'entretenir est de se doter d'un système de management structuré autour de deux comités : un comité de direction et un comité d'associés distincts.
Le comité d'associés réunit uniquement les associés opérationnels. Il est un lieu privilégié pour échanger sur les sujets sensibles, uniquement entre associés. Une histoire entre associés demande en effet des moments d'intimité et d'y consacrer du temps. C'est pourquoi il est important que le comité d'associé se réunisse régulièrement afin d'aborder des sujets qui leur sont spécifiques, pourquoi pas dans un format un peu moins formel que le comité de direction, et en y consacrant suffisamment de temps pour déminer de potentielles situations de crispation.
Dans le cadre du codir, il sera essentiel que chaque associé soit transparent sur les sujets dont il a la responsabilité et qu'il partage ce qu'il fait au même titre que tous les membres. Non seulement il a à cet égard un devoir d'exemplarité vis-à-vis des autres membres du codir, mais cela évite aussi de laisser une marge de manoeuvre aussi minime soit-elle à des personnes extérieures à la relation d'associés et qui pourraient vouloir attiser d'éventuelles dissensions.
Se méfier des tensions attisées de l'extérieur
Car plutôt que de résoudre des conflits, il est toujours plus efficace d'essayer de les prévenir et d'éviter qu'ils se déclenchent. Par exemple en restant vigilant lors de l'intégration d'un tiers dans la relation - investisseur, partenaire conseil, manager, collaborateur ou autre. Le risque est en effet que ce tiers, par ses interventions, ses intérêts et ses opinions, bouscule les équilibres sur lesquels s'est fondée la relation entre les dirigeants associés, voire qu'il agisse intentionnellement pour faire ressortir les désaccords. Il faut éviter de laisser se créer des fissures sous la pression d'acteurs externes à la relation d'associés.
L'un des moyens est de rester attentifs aux signaux faibles. Pour cela, les associés peuvent convenir de maintenir en retrait ceux qui sembleraient vouloir utiliser les désaccords ou dissensions pour faire avancer leurs propres idées. Ils peuvent aussi rappeler le périmètre de chacun pour mieux le respecter, mois après mois, et si besoin le faire évoluer, mais en veillant à rester d'accord sur le fond quant aux changements opérés. L'enjeu étant toujours d'aller au bout de l'aventure avec ses associés.
Un enjeu de maturité, la force des retours d'expérience
Une relation entre associés demande enfin une certaine maturité. Cette dernière peut être apportée par des pairs externes qui ont déjà vécu ce type de situation, ont vécu des conflits d'associés qui les ont marqués et qui sauront donner des pistes pour éviter les chausse-trappe en tenant compte des enjeux d'égo pour chaque associé.
La relation entre dirigeants associés se résume pas à un pacte juridique signé entre des personnes, elle est personnellement engageante. Ne jamais oublier que la dimension humaine de cette relation est ce qui leur permettra de surmonter les tensions, de trouver des solutions et de pérenniser le projet et l'entreprise.
Pour en savoir plus
Patrice Arzillier cofonde sa toute première entreprise en 1991 : Datalogie, société de distribution informatique. Elle fusionne en 1994 avec Distrilogie qui est rachetée en 2000 par Altimate Group (ex. DCC), lui-même racheté par Arrow Plc en 2012. En mai 2018, il quitte le groupe pour créer une nouvelle société : A3. Six mois après, soucieux de travailler en équipe et de partager ses savoir-faire, il décide de rejoindre les operating partners d'I&S Adviser.