Frédérique Clavel, une pionnière au chevet des créateurs d'entreprise
Publié par Marion Perroud le | Mis à jour le
La nouvelle présidente de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE), Frédérique Clavel, est déterminée à soutenir les entrepreneurs. Cette cause, elle la connaît et la sert depuis plus de dix ans avec la création de ses deux sociétés et la Fédération pionnières (réseau d'incubateurs féminin).
Depuis qu’elle a été nommée à la tête de l’Agence pour la création d’entreprise (APCE) en décembre dernier, Frédérique Clavel s’est lancée dans une véritable course contre la montre. Avec un large sourire enthousiaste, elle raconte comment depuis janvier dernier, elle est propulsée dans les couloirs du pouvoir en tant que coordinatrice des Assises de l’entrepreneuriat.
Les mots et les idées déferlent dans un débit rapide mais toujours maîtrisé. Constitution des groupes de travail, rencontre des participants, gestion du calendrier, tri des propositions… « Cette nouvelle mission est plus prenante que prévu », reconnaît-elle.
Mais pas de quoi impressionner celle qui, à 54 ans, dirige de front deux entreprises et préside la Fédération pionnières, réseau national d’incubateurs féminin. « Frédérique détient une force d’impulsion et de persuasion remarquables, apprécie Marie-Christine Bordeaux, présidente de Paris pionnières. Quand elle est convaincue par un projet, elle est capable de déplacer des montagnes. Elle est hors cadre, ne s’arrête pas aux idées reçues et ne s’autocensure jamais dans ce qu’elle entreprend. »
Une persévérance à toute épreuve
Une détermination à toute épreuve semble en effet se profiler derrière ce regard vif d’un bleu azur perçant qui détone avec le brun de ses cheveux châtain mi-longs légèrement ondulés. Un tempérament qui s’est forgé au sein d’une famille de la « bourgeoisie moyenne » parisienne.
Fille d’un chef d’entreprise, elle grandit au milieu de deux frères et de six cousins. « J’ai été élevé comme eux, sans distinction. À la maison, mes parents se partageaient les tâches domestiques. Je n’ai finalement pas du tout été préparée aux différences de perception entre hommes et femmes dans le monde du travail. Quand j’ai débuté ma carrière, j’ai petit à petit pris conscience des écarts de traitement entre sexes. N’étant pas conditionnée, cette différence, je ne l’ai jamais acceptée. De cette colère, j’ai fait un moteur. »
Après un diplôme de l’École de management de Normandie (EMN), elle occupe, 20 ans durant, des responsabilités de taille au sein de grandes entreprises d’abord comme cadre commercial dans le milieu bancaire puis comme cadre financier notamment dans le secteur de la grande distribution.
« Si je ne me suis jamais ennuyée, j’ai toujours eu le sentiment d’être freinée dans mon travail, témoigne Frédérique Clavel. Vers 40 ans, avec deux enfants en bas âge, ma vie personnelle est devenue de plus en plus difficile à concilier avec mes obligations professionnelles. Les perspectives d’évolution se restreignaient. J’ai décidé de prendre un nouveau départ. »
Voir l'entrepreneuriat féminin autrement
La voie de la création d’entreprise s’impose d’elle-même. Aujourd’hui Frédérique Clavel l’affirme, elle n’a jamais été aussi maître de son temps que depuis qu’elle est sa propre patronne. Après avoir suivi une formation intensive de six semaines à l’Insead (Institut européen d’administration des affaires), elle crée en 2001 Fincoach, entreprise d’accompagnement des stratégies financières des entreprises. Elle participe alors à plusieurs salons d’entrepreneurs, se rapproche de divers réseaux professionnels, sollicite des experts de la création d’entreprise.
Très rapidement, un constat s’impose : « Il existait un réel problème autour de la perception de l’entrepreneuriat féminin. Le discours ambiant partait du postulat que les femmes créaient nécessairement de petites structures non innovantes, se souvient-elle. À côté de ces a priori, peu d’offres d’accompagnement me semblaient adaptées aux attentes des femmes qui innovaient plutôt dans les services. »
Un réseau en plein essor
Il n’existait pas, elle l’a créé. Après plusieurs recherches et de multiples démarches, Frédérique Clavel décide d’ouvrir le premier incubateur féminin pour les sociétés spécialisées dans les services innovants. Paris pionnières ouvre ainsi ses portes en 2005.
Depuis, l’incubateur parisien a été rejoint par 17 autres dont cinq à l’étranger (Luxembourg, Belgique...) et une pépinière sous l’étendard de la Fédération pionnières constituée en 2008. Rien que pour Paris, 2 000 candidatures ont été déposées, 250 entreprises ont intégré le programme de préincubation et 80 celui de l'incubateur (destiné aux sociétés de zéro à un an).
« Attention, les incubateurs et pépinières du réseau ne sont pas un ghetto de femmes, avertit-elle. Elle joue d’abord le rôle d’un accélérateur de mixité au sein des entreprises ». Huit ans plus tard, celle qui se déclare « portée par les causes communes », espère avoir fait évoluer les mentalités sur l’entrepreneuriat féminin.
C’est d’ailleurs toujours en vue d’aider les créateurs qu’elle co-fonde en 2010 Mix for Value SAS, société investissant dans les entreprises durant la phase critique d’amorçage. Aujourd’hui la dirigeante qui a été elle-même accompagnée par l’APCE à ses débuts voit comme un signe du destin cette nomination. « Je me dit que j’ai une petite part de responsabilité dans le fait que l’on peut changer le monde des entrepreneurs », lance-t-elle dans l’un de ses rares soupirs. Impossible n’est pas Clavel.
Bio express
Ses premières fois
Sa première entreprise
Forte de sa solide expertise financière, notamment au sein du groupe Laser Cofinoga, spécialisé dans les services de relation client, Frédérique Clavel fonde, en 2001, Fincoach. La SARL basée à Paris assiste les entrepreneurs dans leurs stratégies financières. Elle les aide en particulier à optimiser au mieux leurs sources de financement.
Sa première dirigeante soutenue
Chrystelle Gimaret est la première créatrice hébergée par l’incubateur Paris pionnières. En 2005, elle fonde la société Artupox, spécialisée dans le nettoyage industriel. Son credo : une agence de propreté innovante de 29 salariés qui scénarise ses prestations de nettoyage et n’utilise que des produits écologiques. Un concept qui séduit bien au-delà de l’Hexagone. L’entreprise a déjà ouvert une filiale en Suède en 2009 et fait désormais cap sur le Danemark. L’exemple même, pour Frédérique Clavel, qu’on peut créer une entreprise de services et être innovant.
Ses dernières fois
Ses dernières distinctions
Son parcours atypique et ses divers engagements pour la cause des entrepreneurs (notamment au sein de l’association Femmes 3000, au cercle des administrateurs de l’Insead ou à Femmes business angels) ont valu à Frédérique Clavel plusieurs récompenses. Elle s'est notamment vue décerner en 2010 les titres de Chevalier de l’ordre national du mérite et Montgolfier des arts économiques.
Son dernier défi
Depuis janvier dernier, Frédérique Clavel est chargée de coordonner les neuf groupes de travail des Assises de l’entrepreneuriat, initiées par le gouvernement. Ce nouveau défi, elle compte bien le relever. Son objectif : « aboutir sur une véritable politique publique de la création d’entreprise partagée à la fois par le gouvernement et les entrepreneurs et entre les différents ministères ».