Cartes carburant : les pétroliers se mettent au vert
Publié par Jean-Pierre Lagarde le - mis à jour à
BP, Shell ou Total, la plupart des grands pétroliers ont opéré ces derniers mois un virage pour que leurs cartes de distribution de carburant donnent aussi accès aux bornes de recharge pour les véhicules électriques. Tous envisagent l'avenir dans le développement de bornes de recharges électriques.
Les études réalisées par les cabinets de consultants internationaux se suivent et se ressemblent. La dernière en date émane du cabinet AlixPartners. Elle annonce que la part du diesel en Europe pourrait encore chuter rapidement de 52 % aujourd'hui en Europe à 25% en 2020, 15 % en 2025 et seulement 5 % en 2030.
Face à ces chiffres, pour beaucoup de pétroliers, l'avenir est aux énergies propres notamment à un moment où de nombreux pays affichent clairement leurs ambitions écologiques. En France, comme au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les gouvernements veulent interdire d'ici 2040 le diesel et les moteurs à essence. En Norvège, les moteurs thermiques seront interdits en 2025 et en 2030, ces motorisations seront interdites aux Pays-Bas tandis que les diesel seront supprimés en Allemagne.
Pas étonnant que les pétroliers songent à préparer leur reconversion dans l'électrique. Shell le premier a réagi en acquérant la société néerlandaise NewMotion qui compte plus de 13 000 bornes de recharge en France, et donne accès à un réseau de plus de 50 000 points de charge publics dans 25 pays européens à 100 000 acquéreurs de sa carte de charge (via Easytrip en France). "Notre objectif est d'offrir à nos clients une variété de possibilités pour recharger leurs véhicules électriques à leur domicile, au travail mais aussi en déplacement. En complétant notre offre NewMotion avec des bornes de recharges électriques rapides, actuellement en cours de lancement dans les stations Shell, nous permettons d'accroître davantage le panel de solutions de recharges nécessaires pour assurer le succès des véhicules électriques", explique Matthew Tipper, Vice-Président de l'entité New Fuels de Shell.
En effet Shell a signé un partenariat avec plusieurs constructeurs automobiles afin d'installer des systèmes de recharge ultra-rapide sur les autoroutes en Europe, dont le faible déploiement constitue l'un des plus gros freins au développement des véhicules électriques.
Shell : une carte carburant multi-énergies
L'accord entre Shell et IONITY - coentreprise constituée entre BMW, Daimler, Ford et Volkswagen - permettra dans un premier temps de déployer des bornes de recharge de forte puissance sur 80 sites autoroutiers d'ici 2019. Et d'ici 2020, ce partenariat devrait avoir mis sur pied un réseau européen de 400 bornes de recharge.
En attendant, Shell Fleet Solutions annonce d'ores et déjà un nouveau service proposé a` tous les professionnels et gestionnaires de flotte. "Désormais, explique ce pétrolier, la carte Shell permet non seulement d'effectuer des enlèvements de carburant, d'obtenir d'autres services routiers, mais également d'accéder a` plus de 13 000 bornes de recharge électrique du réseau NewMotion en France."
L'offre commune Shell - NewMotion permet aussi aux gestionnaires de flottes de disposer d'une solution complète pour la recharge des véhicules électriques : au travail ou au domicile grâce a` l'installation de bornes de recharge ainsi qu'en déplacement, la carte Shell donnant accès a` l'ensemble du réseau NewMotion.
En effet, Shell via NewMotion propose l'installation des bornes de recharge a` domicile ou sur les parkings des flottes, avec tous les services associés, dont l'installation, la maintenance, le contrôle et la gestion du matériel. De plus, les bornes étant directement connectées a` la plateforme de gestion de NewMotion, les gestionnaires de flottes peuvent surveiller et gérer leurs points de recharge et leurs transactions depuis un portail utilisateur et une application mobile.
Total, 8 000 bornes de recharge rapide en France
Chez BP aussi on se prépare à remplacer les pompes à gazole par des bornes de recharge électrique. Ce pétrolier vient lui de racheter Chargemaster, c'est à dire l'opérateur du plus grand réseau de recharge en Angleterre (POLAR), ainsi que l'un des leaders dans la fourniture d'infrastructure de recharge. Cela représente 6 500 points de recharge au Royaume Uni, à comparer avec les 1 200 stations BP sur le territoire.
Cette nouvelle entité qui va s'appeler BP Chargemaster développera à l'avenir la recharge rapide pour les véhicules électriques, ainsi que la recharge ultra-rapide à 150 kW. Créée il y a 10 ans, Chargemaster dispose du réseau Polar, le plus grand au Royaume Uni pour lequel BP mise sur un objectif de croissance du parc de véhicules à 12 millions de VE au Royaume Uni à l'horizon 2040.
Enfin, Total n'en finit pas de se mettre au courant. Le pétrolier français prévoit en effet de déployer des bornes de recharge électriques dans ses stations-service situées à proximité des autoroutes et des nationales. Ce plan d'extension de son activité interviendrait en Allemagne, au Benelux et en France où l'objectif de 300 bornes de recharge rapide permettrait d'offrir ce service tous les 150 km.
De plus, Total a également signé un partenariat avec NewMotion afin de permettre à ses clients professionnels circulant avec des véhicules électriques ou hybrides rechargeables de pouvoir accéder au réseau de 50 000 bornes de recharge de cette société que vient de racheter Shell.
La carte GR fait le plein d'électricité
Pour Gilles Langlois, directeur des cartes pétrolières chez Total, l'électromobilité jouera un rôle important dans la mobilité de demain et Total accompagne son développement. "Les contraintes fiscales et environnementales incitent bien entendu les entreprises à se poser la question de l'électrique dans leur flotte, et plus globalement des nouvelles énergies", explique Gilles Langlois. "Les clients avec lesquels nous échangeons sur ce sujet sont majoritairement en réflexion sur le passage de leur flotte, tout ou en partie, à l'électrique. Ils ont besoin pour cela de tester, de mesurer et de comparer (en prenant en compte l'ensemble des coûts d'exploitation du véhicule), avant de sauter le pas. Nous pouvons les accompagner dans cette réflexion."
Chez ce pétrolier, la carte GR destinée aux professionnels devient donc une carte multi-énergie : "elle intègre la possibilité de faire des recharges électriques sur un réseau de plus de 8 000 bornes publiques en France dont les bornes présentes dans le réseau Total, signale Gilles Langlois. "Ce nouveau service offre donc aux gestionnaires de flotte mixte (thermique et électrique) ou 100 % électrique, une solution tout-en-un : une seule et même carte, pas d'avance de frais, une facture unique, une gestion de la consommation en ligne. Des atouts qui permettent aux entreprises de gérer leur budget énergie, et d'avoir une gestion simplifiée de leurs cartes."
Reste donc à attendre le véritable essor des ventes de véhicules électriques dans les flottes. D'ici là, les cartes carburant se seront sans doute frottées au mouvement de digitalisation des moyens de paiement et ne seront alors qu'une " appli " de plus dans le smartphone des utilisateurs.