Parées au décollage ? Les licornes françaises à l'heure des choix
Publié par Jean-Pierre Valensi, associé KPMG le | Mis à jour le
La French Tech se porte au mieux, avec des valorisations qui ne cessent d'augmenter. Pour autant, dans toute dynamique de croissance, se pose tôt ou tard la question de l'accélération pour passer à l'étape d'après. Une équation que les licornes peinent parfois à résoudre...
Taper « licornes françaises » dans un moteur de recherche aujourd'hui, c'est ressentir un joli parfum d'épopée. BlaBlaCar, Deezer, Doctolib, Exotec, ManoMano, Spendesk et tant d'autres : les réussites entrepreneuriales en bleu-blanc-rouge se multiplient et tout indique que la France est, cette fois, montée dans le bon wagon.
Mais les cocoricos 2.0 de la French Tech ne doivent pas masquer que, pour les scale-up concernées, l'essentiel se joue maintenant. Et, en toile de fond, s'entend une musique qui résonne tout à la fois comme une alerte et un appel : il faut faire de nos licornes des géants.
Un objectif qui appelle des arbitrages stratégiques
Pour atteindre cet horizon prometteur, l'entrepreneur qui souhaite changer de dimension doit arbitrer entre indépendance, calendrier et ressources financières - pouvoir, temps et argent. C'est le point d'équilibre entre les composantes de ce triptyque qui doit déterminer le véhicule financier à sélectionner : nouveau tour, sortie industrielle, LBO ou IPO notamment.
L'IPO concentrant l'attention des médias, des investisseurs et du grand public, c'est aux conditions de sa réussite que nous allons nous attarder plus spécifiquement.
Ses avantages sont nombreux, depuis longtemps vérifiés. Entrer en bourse, c'est synonyme pour beaucoup d'accession à l'aristocratie des start-up. Par là-même, tout un chacun peut entendre : exceptionnalité, célébrité, aisance, soit une notoriété vitaminée et une injection importante de liquidités. Mais pour parvenir à ce statut enviable, doit être élaborée une stratégie que peuvent résumer 4 principes : anticiper, s'appuyer sur un collectif, projeter son ambition sur les marchés et bien communiquer.
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Différentes étapes à soigneusement observer
Tout d'abord, il faut anticiper la préparation de l'entreprise à l'IPO et choisir le bon moment, l'ouverture de la fenêtre de marché, propice à l'opération. Une fois la décision stratégique prise de viser une IPO, la préparation de l'entreprise à la bourse est un facteur clé de succès. Cette préparation couvre un ensemble de sujets, en particulier son organisation, le rôle et les capacités de la fonction finance, la gestion des risques et le contrôle interne, la gouvernance, les ressources et les moyens à mettre en oeuvre. C'est la raison pour laquelle un diagnostic de maturité de l'entreprise et la définition d'une IPO roadmap sont de préférence à réaliser dans les 18 mois qui précèdent l'opération. Ainsi l'entreprise arrivera armée et en capacité de répondre au mieux aux nouveaux enjeux liés à la cotation sur un marché financier.
Le collectif, ce sont les experts dont il faut s'entourer : banquiers d'affaires, avocats, conseil financier, commissaires aux comptes, agence de communication, etc. : solliciter cet écosystème est nécessaire, mais a un prix. Il faut donc prendre le temps de choisir ces intervenants externes et de comprendre les apports et contributions de chacun afin de créer les synergies idoines qui permettront le succès de l'opération.
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Projeter son ambition sur les marchés : outre le choix du moment propice pour l'IPO, l'entreprises devra être en mesure de communiquer aux analystes financiers et futurs actionnaires ses ambitions de croissance, en termes de revenus, développement produits, contrats commerciaux, opérations de M&A, etc. C'est une visibilité à 3 ou 4 ans que demandent généralement les marchés.
Et enfin bien communiquer. Tel est notamment l'enjeu de l'expression de « l'equity story ». La ligne de crête est étroite : il s'agit à la fois de rassurer les marchés et de les faire (un peu) rêver via la monstration d'éléments factuels et clairs, reflétant la solidité et la crédibilité de la société. Dans le même temps, il faut arriver à tourner le récit de manière à être impactant et à marquer les esprits via un narratif différenciant. Et ce, d'autant plus qu'il y a également un enjeu d'incarnation de ce récit par le CEO, avec la perspective des roadshow qui nécessitent de prendre conscience des prises de parole à forts enjeux ne s'improvisent pas. La forme étant le reflet du fond, une communication maîtrisée rassure un investisseur.
Pour la French Tech, les prochains mois seront intéressants. Mais pour la réussite de ces décollages, il faudra garder à l'esprit un principe que connaissent tous les entrepreneurs : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.
Pour aller plus loin :
Jean-Pierre Valensi est associé de KPMG France, responsable des activités Capital Market Advisory.