Santé mentale au travail : comment aborder le sujet avec ses collaborateurs ?
Publié par Colin de Korsak le | Mis à jour le
Selon une enquête d'Empreinte Humaine et Opinion Way, 34% des salariés Français se sentent en situation de burn-out. Un chiffre alarmant. En tant que dirigeant, quels sont les bons gestes à adopter ?
La problématique est bien réelle et nous concerne tous. Dans son enquête parue en mai 2021, Doctolib estime que deux personnes sur trois ont déjà vécu une période de déséquilibre mental importante, caractérisé par du stress, une perte de sens ou des insomnies à répétition...Oui mais voilà, le mal-être ne disparaît pas automatiquement une fois la porte de l'entreprise passée et ressurgit au travail. L'institut Sapiens estime le coût du mal-être au travail à 13 340 euros par salarié et par an, principalement à cause de l'absentéisme et de la baisse de productivité. De plus, l'institut affirme que les pathologies mentales représentent la première cause d'arrêts maladie de longue durée en France, et la première cause d'invalidité. Les faits sont là. Cependant 80 % des salariés n'arrivent pas à parler de leur santé mentale, même à un psychologue, selon Doctolib.
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Santé mentale au travail : que faire ?
En tant que dirigeant, il faut montrer l'exemple. Si plusieurs services spécialisés pour accompagner la santé mentale de ses collaborateurs existent et permettent de prendre en charge des séances avec un thérapeute ou avec un psychologue, il ne coûte rien d'en parler avec ses salariés.
Il est pertinent d'aborder le sujet à tous les stades, dès le premier contact ou pendant la période d'intégration du salarié. En effet, prioriser la santé mentale de ses collaborateurs est un atout de recrutement énorme. Surtout pour les jeunes : 88 % d'entre eux considèrent que leur entreprise doit jouer un rôle dans leur santé mentale, selon une étude de JobTeaser et de Moka.care, parue en juin 2022.
"De son côté, le dirigeant peut édicter des bonnes pratiques et expliquer comment les valeurs de son entreprise s'appliquent concrètement", explique Julia Néel Biz , fondatrice de Teale, une plateforme qui accompagne les collaborateurs et les entreprises pour prendre soin de leur santé mentale. Elle poursuit : « par exemple, on explique comment la valeur de l'exigence se traduit dans notre quotidien. On est exigeant avec soi-même mais on sait accepter l'échec, le reconnaître, le valoriser, savoir grandir de ses erreurs ».
L'experte met l'accent sur la forme dans les échanges avec les collaborateurs : « On explique comme nt on fait le feedback pour qu'il soit le plus constructif possible et qu'il ne soit pas difficilement vécu », insiste-t-elle.
Pour Karoline Jean-Charles, thérapeute en entreprise, parler de bien-être au travail c'est prendre le problème par le mauvais bout. Cette praticienne estime qu'il est plus pertinent de considérer le bien-être dans sa globalité : « Lorsqu'on a des problèmes de sommeil chez soi, ça se ressent au travail et, inversement, lorsque l'on est stressé au travail, ça se ressent à la maison ».
Selon elle, la première chose à faire consiste à : « sensibiliser les managers à détecter les signaux faibles annonceur des burn-out ». Un tiers des salariés Français se sentent en situation de burn-out, selon une enquête d'Opinion Way et d'Empreinte Humaine. Cependant l'hypnothérapeute juge que les patrons ne doivent pas se contenter de réagir aux situations d'urgences mais de contribuer au bonheur de leurs salariés : « Comment mes collaborateurs peuvent être heureux et prendre du plaisir à travailler, même sur les grosses périodes ? », se met-elle dans la peau d'un dirigeant.
Comment expliquer cette détresse ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu, dont la crise du Covid qui a forcé les entreprises à changer brutalement leurs organisations de travail. L'hybridation du travail à « d'immenses vertus », déclare Julia Néel Biz, mais aussi des défauts, notamment dans la gestion des sollicitations, qui rend la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle ténue. Par ailleurs, l'instauration du télétravail développe un sentiment de solitude chez certaines personnes. En effet, selon un sondage réalisé en octobre 2022 par Owl Labs et YouGov, un salarié sur quatre se sent un peu plus seule dans la pratique du télétravail. L'étude remarque que les plus impactés par ce phénomène sont les personnes âgées de 45 ans et plus.
L'experte reconnaît qu'il est « parfois difficile de faire la part des choses » avec les mails et les notifications que l'on reçoit sur son téléphone. Cette réorganisation soudaine des méthodes de travail a « rajouté un stress », affirme Karoline Jean-Charles.
Certes, la crise sanitaire à sa part de responsabilité, mais le contexte économique, concurrentiel et compétitif, joue aussi selon la thérapeute : « Les entreprises sont sous pression. Donc, si les dirigeants sont sous pression, les salariés le sont aussi », prévient-elle.
Enfin, Julia Néel Biz et Karoline Jean-Charles s'accordent à dire que le stress au travail est aussi dû à la culture de l'entreprise : « il y a également un stress qui est interne à l'entreprise, qui est dû notamment au management, voire à la conception du travail qu'on a aujourd'hui », conclut l'hypnothérapeute.