La minute du boss : Repérer les éléments de communication toxique entre associés et partenaires
Publié par Guillermo Di Bisotto, Directeur commercial chez Gestion 1D et auteur aux éditions Eyrolles le | Mis à jour le
Guillermo Di Bisotto, auteur aux éditions Eyrolles et directeur commercial chez Gestion 1D, exprime son point de vue sur la toxicité de certaines relations professionnelles et livre ses conseils pour se sortir de pièges malsains.
Le gouvernement a récemment proclamé la santé mentale comme une priorité. Cependant, il est difficile de progresser dans ce domaine en ignorant ou en minimisant une cause insidieuse de mal-être : la manipulation ordinaire dans nos communications. Chaque jour, des interactions apparemment banales deviennent des champs de bataille psychologiques, alimentées par des leviers manipulateurs souvent inconscients. Le message perçu diffère du message envoyé, ce qui mène à des interprétations et des prêts d'intention, source majeure de conflits.
La manipulation ordinaire, bien qu'elle ressemble à de l'influence, vise à nuire en dégradant insidieusement les relations entre interlocuteurs. Les personnes manipulées, souvent éduquées à accepter la maltraitance psychologique, en souffrent profondément. Sidérées, leur santé mentale se dégrade. Cela commence par une perte de confiance, une dévalorisation de soi, du stress, de l'anxiété, et dans certains cas, un isolement émotionnel. Contrairement à l'influence, la manipulation ordinaire instaure un rapport de domination, où le manipulateur contrôle non seulement la conversation, mais aussi les émotions de l'autre.
Ce mécanisme conduit à une frustration croissante, à la méfiance et à la rupture de toute possibilité de collaboration saine. La répétition de ces interactions crée un malaise général, incitant à fuir ces échanges ou à entretenir des relations toxiques. Cette forme de communication nuit gravement à la santé mentale. Accepter ces pratiques met en péril l'équilibre psychologique ; il est donc crucial de les identifier, de ne plus les tolérer et de s'en protéger.
L'inversion
L'inversion est une méthode manipulatrice qui consiste à retourner les accusations portées contre soi en les projetant sur l'accusateur, détournant ainsi l'attention de ses propres responsabilités et défauts. Ce procédé crée délibérément une confusion en inversant les rôles, permettant au manipulateur de se poser en victime. Cette technique déstabilise non seulement l'accusateur, mais aussi les observateurs, rendant la situation difficile à clarifier.
En milieu professionnel, l'inversion peut gravement nuire à la cohésion et à la productivité des équipes, en instaurant un climat de méfiance et de suspicion. Les employés, se sentant injustement visés, adoptent une posture défensive, compromettant ainsi la résolution des problèmes. Cette manipulation est d'autant plus toxique qu'elle exploite des failles réelles mais souvent amplifiées ou décontextualisées, rendant la défense délicate sans paraître coupable. De plus, elle agit sur les émotions de l'accusateur, renforçant son sentiment de culpabilité et d'injustice, ce qui affaiblit son efficacité et sa stabilité.
La provocation / reproche
La provocation/reproche est une technique de manipulation visant à inciter délibérément une personne à adopter un comportement défensif ou négatif par des actions provocatrices. Le manipulateur cherche ainsi à provoquer une réaction excessive qu'il utilisera ensuite pour reprocher à la victime son comportement inapproprié. Ce processus instaure un cycle vicieux de provocations et de reproches, qui détériore profondément la dynamique relationnelle au sein d'une équipe ou d'un partenariat. Les provocations peuvent prendre la forme de critiques injustifiées, de suggestions provocatrices ou de décisions controversées.
En milieu professionnel, cette méthode érode la confiance et crée un climat hostile, où les personnes visées, constamment sur la défensive, perdent leur capacité à réagir de manière rationnelle. De plus, ce comportement toxique affecte la cohésion d'équipe, car une fois ce schéma de manipulation identifié, les autres membres cherchent à éviter l'individu provocateur, compromettant ainsi la collaboration et l'efficacité générale.
La disqualification
La disqualification est une forme subtile de manipulation visant à dévaloriser les opinions, choix ou compétences de l'interlocuteur, dans le but de le contraindre à rechercher constamment l'approbation du manipulateur. Cette méthode est particulièrement destructrice, générant frustration, démotivation et perte de confiance en soi, et compromettant ainsi la performance et la collaboration au sein de l'équipe ou de l'entreprise. Elle se manifeste par des remarques apparemment anodines qui suggèrent que les idées ou compétences de l'autre ne sont pas à la hauteur, telles que : « C'est une idée intéressante, mais peut-être un peu irréaliste ».
Ces critiques, sous prétexte de constructivité, érodent la confiance en soi et rendent l'interlocuteur dépendant du manipulateur pour valider ses propositions. Dans le contexte professionnel, la disqualification crée une dynamique de pouvoir déséquilibrée où le manipulateur domine discussions et décisions, tandis que l'autre est constamment forcé de justifier ses actions. Ce climat nuit à la créativité et à l'innovation, car les membres de l'équipe, craignant d'être discrédités, hésitent à exprimer de nouvelles idées. À long terme, cette méthode instaure un environnement de travail toxique, marqué par une faible morale et un turnover élevé, car les employés se sentent sous-estimés et démotivés.
Les doubles messages
Les doubles messages sont une technique manipulatrice consistant à délivrer simultanément deux messages contradictoires, créant volontairement une confusion. En milieu entrepreneurial, cette méthode vise à maintenir l'interlocuteur dans un état d'incertitude, le rendant dépendant du manipulateur pour obtenir des éclaircissements. Ces messages ambigus peuvent prendre la forme de compliments mêlés de critiques ou de directives floues, laissant la personne ciblée dans le doute quant aux attentes réelles. Par exemple, une phrase telle que « Je te fais confiance, mais je vais tout vérifier » plonge l'interlocuteur dans l'incertitude, générant ainsi de l'anxiété et une perte de confiance en soi.
Dans un contexte professionnel, cette communication toxique perturbe gravement la collaboration et la prise de décision, car les destinataires de ces messages contradictoires peinent à cerner les attentes véritables, ce qui nuit à l'efficacité. De plus, cette technique renforce la position de contrôle du manipulateur, en créant une dépendance chez les autres, qui cherchent continuellement des validations pour s'assurer de la justesse de leurs actions et décisions.
Les doubles contraintes
Refuser le dialogue, l'imposer ou isoler
Les reproches à fragmentation
Violer en toute conscience le territoire de l'autre
Poser un piège et le nier
Poser un piège est une technique manipulatrice qui consiste à provoquer délibérément une réaction ou un échec chez une personne, puis à en nier l'existence ou l'intention. Cette méthode vise à troubler l'interlocuteur, à saper sa confiance en lui et à le rendre vulnérable. Elle peut se manifester par des omissions d'informations cruciales, des modifications des directives ou la création de situations ambiguës qui entraînent des erreurs. Une fois la faute commise, le manipulateur nie toute intention malveillante et reproche à la victime de ne pas avoir su gérer la situation.
Cette manipulation repose sur la fabrication d'une réalité alternative, où la victime doute de ses propres perceptions et de sa compréhension des faits. En niant ou en minimisant le piège, le manipulateur accroît la confusion et l'incertitude, rendant l'autre plus vulnérable. Dans un contexte professionnel, cette technique nuit gravement à la confiance et à la collaboration entre collègues ou associés, entraînant une perte de confiance en soi et en ses capacités. À long terme, elle instaure un climat de méfiance et d'instabilité, affaiblissant la performance globale et la culture d'entreprise.
Conclusion
La manipulation perverse dans la communication peut sérieusement altérer les relations interpersonnelles et nuire à la dynamique d'une entreprise. Il est essentiel, pour préserver un environnement de travail sain, de reconnaître ces comportements en soi et dans ses interactions, tout en encourageant une communication transparente et constructive, fondée sur le respect et la confiance mutuelle. Confronter directement une personne utilisant ces techniques peut aggraver la situation. Il est préférable d'observer, de ne pas prendre les attaques personnellement, et de mettre en place des mesures de protection pour préserver sa tranquillité d'esprit.
Chacun est libre de refuser ces manipulations et de se protéger à long terme, qu'il s'agisse de collègues, supérieurs ou associés. Le gouvernement, en proclamant la santé mentale comme priorité, doit dépasser les annonces et identifier les causes du burn-out ainsi que les leviers à actionner. Il est crucial de concevoir des actions concrètes contre les pratiques managériales toxiques. Ce phénomène ne se résume pas à une opposition simple entre bons et mauvais acteurs, mais reflète un système complexe où chacun joue un rôle. La responsabilité des dirigeants, notamment des CEO, pourrait être plus fortement engagée dans les cas de dérives graves.
Chez Ubisoft, dont l'action a chuté drastiquement (de plus de 80 € en 2021, à 11,30 € le 16/09/24) en raison des accusations de harcèlement moral et sexuel, les plus proches collaborateurs d'Yves Guillemot ont été en garde à vue puis condamnés, mais le CEO a déclaré qu'il ne savait pas ! Mouaif... Il est important de rappeler que les employeurs ont l'obligation légale de veiller à la santé et à la sécurité des salariés. Si ces obligations ne sont pas respectées, leur responsabilité civile et pénale peut être engagée.
Il est urgent de reconnaître le burn-out sévère comme une maladie professionnelle insidieusement mortelle et non juste comme une « maladie professionnelle », car les chiffres sont alarmants : en 2022, un salarié sur trois en France était en état de burn-out sévère. Et puis, on se rappelle du cas de France Telecom il y a un peu plus de 15 ans ? Oui, c'est une maladie insidieusement mortelle et il est dingue que Didier Lombard ne s'en sorte qu'avec une amende de 15 000 € et un an de prison avec sursis (« surtout Didier, tu ne recommences pas, hein ? »).
En bref, faut-il attendre les drames pour ne pas en réprimander sévèrement les responsables ? Tant que le CEO ne sera pas pénalement responsable, manager ses équipes ne sera toujours pas : « les protéger physiquement et moralement vers l'atteinte d'un objectif SMART qui fait sens pour tout le monde, au regard des moyens nécessaires et suffisants alloués pour les atteindre sereinement » !
Un grand ménage est nécessaire, et il commence par une introspection individuelle. Un jeu psychologique implique toujours au moins deux participants, chacun jouant successivement les rôles de victime, bourreau ou sauveur. Reconnaître son implication est la première étape, suivie de l'excuse sincère et de la décision de ne plus utiliser pour soi-même et envers les autres, ces outils de manipulation dans sa propre communication.
[1] Source Culture-rh.com « Santé mentale et entreprise (notamment au sein des RH » : https://bit.ly/3CijA2B..
Je suis l'auteur Eyrolles Business de "Questions pour un champion de LA vente" (https://c3po.link/QJyHhbRRZa) et de "C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections" (http://tinyurl.com/s93ufjx5) et | Mon dernier livre a été sélectionné pour le prix DCF 2024 et je suis très heureux de me rendre à la cérémonie le 09 octobre prochain.