Olivier Krumbholz : bousculer les codes pour mieux durer
Publié par Agathe Jaffredo le | Mis à jour le
Sa vision du jeu, Olivier Krumbholz la nourrit et la développe depuis près de trois décennies. Si bien qu'il a su amener comme nul autre le vente du succès dans le handball féminin français. Avec lui, les Bleues ont tout gagné, jusuqu'à l'or olympique. Elles sont aujourd'hui championnes du monde.
Depuis 20 ans, l'emblématique et légendaire entraîneur-sélectionneur des Bleues met aussi à profit son approche du sport et du collectif en tant que conférencier auprès d'un public d'entrepreneurs. Le point commun de ces derniers avec les sportifs professionnels ? « Ils sont soumis à la fulgurance décisionnelle », déclare-t-il posément. À quelques mois des derniers enjeux de sa carrière sportive - le Mondial 2023 et les JO de Paris 2024, rien que ça ! -, le Messin ne cesse de puiser dans ce qu'il nomme son « laboratoire du coaching ».
Vitesse
Un match de hand voit s'affronter deux équipes de sept joueurs sur un terrain avec des cages de but de chaque côté. C'est surtout des solutions à trouver en permanence. « C'est un sport de vitesse qui impose à chaque membre de l'équipe en action de prendre des décisions en une fraction de seconde, précise Olivier Krumbholz. Cette situation se répète 50 fois, 100 fois, au cours du match. On est constamment en train de briefer et de débriefer à une vitesse hallucinante. »
Une réalité qui peut en effet intéresser les dirigeants d'entreprise. Comment gérer les événements dans ce tumulte ? Comment tirer la quintessence du groupe ? Surtout dans un contexte où les émotions sont fortes, où l'humain et l'intelligence collective font la différence. « Les facteurs qui interagissent sur les performances sont pluriels », poursuit-il. D'autant que, dans ses fonctions, le head-coach pilote une entité composée des joueuses et du staff. À l'instar de la plupart des écosystèmes professionnels, sa mission consiste alors à « prévoir tous les ingrédients nécessaires pour pouvoir obtenir l'adhésion et l'enthousiasme des athlètes ».
Culture de l'échec
Cette activité de conférencier, Olivier Krumbholz l'exerce depuis le titre mondial décroché en 2003, notamment auprès de la société de séminaires et de formations Hyphen. « Évidemment qu'on est davantage sollicité lorsqu'on gagne, mais ce n'est pas parce qu'un coach passe par un moment de résultats moins bons qu'il n'a plus de méthodes ou plus rien à raconter. En France, nous avons une vision négative de l'échec. Or, dans le sport comme ailleurs, on a besoin de savoir se remettre en cause pour avancer. »
Un principe qu'il commence par appliquer à lui-même. Remercié en 2013, Olivier Krumbholz est rappelé à la tête des Bleues trois ans après. Celui qui était qualifié de « dur et novateur », tout en étant proche de ses joueuses, sait alors faire évoluer son coaching. « J'ai adopté une approche plus participative, davantage dans l'empathie et la bienveillance, mais toujours orientée vers l'exigence et l'excellence. »
Parité
L'un des combats du célèbre entraîneur demeure déterminant dans sa carrière et celle de son équipe, voire pour l'image du sport en général. À savoir, lutter pour qu'il n'y ait plus de politique à deux vitesses entre le handball masculin et le handball féminin. « Il a fallu batailler contre un certain nombre de machos qui considéraient la pratique féminine comme une sous-discipline ! »
Une forme de caricature qu'il a pu observer dans d'autres milieux professionnels, mais qui a participé à forger sa conviction : « Les femmes sont performantes dans leur domaine de compétences parce qu'elles savent s'investir. Dans le handball, j'ai toujours trouvé l'investissement des filles bien supérieur à celui des garçons dans l'entraînement. »
En 1999, un événement change la donne : l'équipe de France menée par Krumbholz se hisse en finale du mondial face à la Norvège. La ministre des Sports de l'époque insiste pour que le match soit retransmis sur France Télévisions. Les Bleues perdent mais, avec un pic à 12 millions de téléspectateurs, elles remportent une victoire à part : le sport féminin capte enfin la ferveur populaire et fait taire les sceptiques. EN 2023 elles gagnent le titre de championnes du monde.
Fierté
Agile et évolutif, l'entraîneur mesure le chemin parcouru, notamment en termes de nouvelles technologies. Le temps des cassettes VHS pour visionner le travail des joueuses est loin, elles disposent désormais d'un accès à une plateforme vidéo avec l'ensemble des images préparées pour elles. Un progrès qui permet aux athlètes d'avoir une connaissance étendue du jeu, mais présente une limite d'après le professionnel. « La joueuse peut s'imaginer ainsi détenir le savoir absolu, charge à nous, dirigeants, de veiller au bon encadrement. »
Là encore, des notions de vision globale et de confiance qui s'avèrent bien utiles pour les entrepreneurs avec qui il échange.
À 64 ans, Olivier Krumbholz aborde la dernière ligne droite de sa carrière avec détermination. Entièrement concentré sur les JO, il est trop tôt pour faire le bilan. Mais alors, comment prépare-t-on son départ quand on a tant marqué son domaine et des générations de sportifs et de sportives ? « Je suis un pur adaptatif ! Je décide au moment où je dois décider. Anticiper la décision pour prendre de l'avance et tout refaire après, ce n'est pas possible ! » La fulgurance décisionnelle, jusqu'au bout en somme.