Santé mentale au travail : les entreprises au bord de la rupture ?
Publié par Linda Labidi le - mis à jour à
Désengagement, perte de sens, tensions sur les valeurs : une nouvelle enquête révèle un malaise profond dans les organisations. Plus d'un salarié sur trois envisage de démissionner, malgré un contexte économique incertain.
Alors que les entreprises peinent déjà à composer avec un marché du travail en mutation rapide, un nouveau défi s'impose à elles : l'érosion du lien entre salariés et employeurs. C'est ce que révèle le dernier baromètre de la plateforme de santé mentale teale, mené en 2024 auprès de 10 000 salariés. Les résultats dressent le portrait d'une relation dégradée, où stress, désalignement et perte de satisfaction minent la fidélité des collaborateurs. Pour les dirigeants de PME et de start-up, l'alerte est claire : la prévention du mal-être n'est plus un luxe, c'est une nécessité stratégique.
Une crise de sens plus forte que la peur de la crise
Alors que les tensions économiques incitent à la prudence, 34 % des salariés déclarent envisager de quitter leur entreprise pour préserver leur santé mentale. Ce chiffre, en hausse de 4 points par rapport à 2023, illustre un basculement dans les priorités : pour une part croissante des collaborateurs, la qualité de vie au travail l'emporte sur la sécurité de l'emploi.
Le facteur déclencheur ? Le désalignement avec les valeurs de l'entreprise. 40 % des salariés ne se reconnaissent plus dans celles de leur organisation, contre 30 % un an plus tôt. À l'inverse, 72 % des salariés qui partagent les valeurs de leur employeur déclarent vouloir rester. Ce fossé idéologique devient le premier levier de départ... ou de rétention.
Une satisfaction professionnelle en chute libre
La dégradation ne s'arrête pas là. Moins d'un salarié sur deux estime que son niveau de stress est acceptable, et seuls 55 % trouvent encore de la satisfaction dans leur travail - une baisse de 10 points en un an. Cette perte de sens est d'autant plus préoccupante qu'elle touche toutes les générations et tous les niveaux hiérarchiques.
Le sentiment d'utilité professionnelle, fortement corrélé à la satisfaction, s'effondre : il est partagé par 82 % des salariés satisfaits, mais tombe à 49 % chez les autres. Le développement des compétences, lui aussi, semble à la peine : seuls 58 % estiment que leur entreprise les aide sur ce point.
Un coût humain... et économique
Au-delà du mal-être individuel, ces signaux d'alerte pèsent lourd sur les organisations. Désengagement, turnover, absentéisme : le coût moyen des troubles psychologiques est estimé à 3 800 € par an et par salarié. Et le désengagement ne se traduit pas uniquement par des départs : 41 % des salariés ne se sentent pas motivés pour travailler de manière productive, en hausse de 5 points.
Pour les dirigeants, notamment dans les PME et les structures en croissance rapide, ces indicateurs imposent une prise de conscience. Dans un monde où l'attraction et la rétention des talents deviennent une course de fond, ignorer ces enjeux revient à courir sans chaussures.
L'appel à une transformation structurelle
Pour Julia Néel Biz, co-fondatrice de teale, "briser les tabous ne suffit plus". Elle appelle à "un véritable passage à l'action", à la fois dans les entreprises et au niveau des politiques publiques. En plaçant la santé mentale au coeur des priorités stratégiques, les entreprises peuvent espérer restaurer la confiance, renforcer l'engagement... et retrouver une dynamique durable.