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[Tribune] Les salariés ont-ils droit à l'objection de conscience quand leurs missions évoluent ?

Publié par Sandrine Blanc, enseignante-chercheuse à l'INSEEC Business School le | Mis à jour le

Que penser des demandes d'exemptions au travail pour raisons de conscience ? Si les médias relayent souvent des cas d'ordre religieux, la question se pose dans bien d'autres situations. Dirigeants et managers, voici les points à considérer pour tenter de répondre à cette délicate problématique.

Ces requêtes n'arrivent pas forcément devant les tribunaux, à la différence des demandes plus médiatiques d'exemptions pour des raisons religieuses. Il s'agit par exemple du cas d'un dessinateur industriel pacifiste d'une entreprise sous-traitante missionné pour réaliser des missiles, ou de celui d'un contrôleur de gestion impliqué dans la procédure de licenciement d'un collaborateur dont les modalités, pourtant légales, heurtent ses convictions personnelles.

Ces situations sont rarement évoquées dans l'entreprise, mais plutôt dans la sphère familiale ou amicale. Pourtant, leurs conséquences ne sont pas neutres, du mal-être du salarié à la démission ou à la rupture négociée. Et elles ne sont pas rares, du fait de l'individualisation des convictions. Certains cas se retrouvent aussi devant les tribunaux, comme celui de ce salarié de Veolia, licencié pour avoir refusé de couper l'eau pour impayés à des clients qu'il jugeait démunis, mission qui lui avait été attribuée suite à une réorganisation du travail.

Se poser la question en termes éthiques

Ces situations touchent managers et dirigeants, non seulement dans leurs fonctions, mais aussi à titre personnel. Que penser de la légitimité de ces demandes, au-delà de ce que pourrait être une réponse juridique ? S'agit-il de demandes inconsidérées ou de revendications légitimes ?

Pour y répondre, il faut revenir aux valeurs en jeu dans ces situations, à savoir : la liberté de conscience, l'égalité dans l'accès à l'emploi ainsi que l'équité dans la conclusion des contrats.

Du côté des libertés, il s'agit de la liberté de conscience du salarié, mais aussi de la liberté d'association et de la liberté contractuelle du côté de l'entreprise. Si une mesure de gestion est adaptée à l'activité de l'entreprise, la légitimité d'une exemption dépendra du poids respectif que l'on accorde à l'une ou l'autre de ces libertés.

S'agit-il de discrimination ? Dans les cas évoqués, l'objection n'est pas explicitement ancrée dans une religion. Il s'agira alors d'évaluer s'il reste pertinent de parler de discrimination, en l'absence de caractéristique d'appartenance du salarié à un groupe identifié susceptible de faire l'objet de discriminations.

L'équité contractuelle fournit une troisième piste de réflexion. Évolutions et imprévus font partie de la vie professionnelle. Mais quand ils touchent la conscience du salarié, on pourra se demander pourquoi le salarié, plus que l'entreprise, devrait en supporter les conséquences et démissionner ou être licencié.

C'est en fonction de la réponse à ces questions que vous pouvez forger votre opinion sur l'opportunité d'accorder ou non une exemption, et ainsi de reconnaître ou pas la légitimité d'un droit du salarié à des exemptions pour raisons de conscience.

L'auteur

Sandrine Blanc est Enseignante-Chercheuse à l'INSEEC Business School. Diplômée de l'ESCP, ancienne consultante en stratégie, elle est titulaire d'une thèse en philosophie. Ses travaux de recherche portent sur l'éthique économique, notamment les questions de justice appliquées à l'entreprise.

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