Recrutement et engagement responsable, une synergie complexe
Publié par Laetitia MAMAN, avec la contribution d'Amal BENALI, Groupe Square le | Mis à jour le
La Responsabilité Sociale des Entreprises est désormais un critère important pour les candidats, qui privilégieront une entreprise dont les pratiques en la matière sont intègres et concrètes.
Dans de nombreux secteurs, la difficulté à recruter est importante. Différenciation et nouveaux leviers sont nécessaires aux employeurs afin de pourvoir leurs postes vacants.
La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), qui est régie par la norme ISO 26000, trouve ses domaines d'application dans toute l'entreprise. Dans le domaine des Ressources Humaines, la RSE agit notamment sur l'attractivité, l'engagement, la motivation, la fidélité, la diversité, les conditions de travail et la rétention des talents.
Là où sont mêlés objectifs économiques des entreprises, conscience collective et accroissement des exigences des candidats, dans quelle mesure la RSE est un levier pour répondre aux attentes des générations en quête de sens et sensibilisées aux principes du développement durable ?
Les exigences des candidats mettent la pression sur les entreprises
Les professionnels du recrutement constatent que mener une embauche à son terme est de plus en plus ardu. En effet, 71% des recrutements sont jugés difficiles dans le secteur du commerce, 68% dans le secteur de la construction et en moyenne 65% dans l'industrie(1).
Les raisons de ces difficultés sont multiples : postes à degré de pénibilité plus ou moins marqué, conditions salariales peu attractives, déficit de compétences sur le marché, forte concurrence, etc.
De plus, l'arrivée sur le marché du travail de la "génération Y - les Millenials "- puis de la "génération Z" a bousculé les paradigmes et accéléré la transformation des processus RH.
Figure 1 - Les Millenials et la génération Y représentent en 2020 près de 50% de la population active mondiale(2)
Selon une enquête effectuée en 2019 par HelloWork, 40% des recruteurs interrogés déclarent que les candidats sont plus exigeants qu'avant et, encore plus édifiant, 70% pensent qu'ils sont en position de pouvoir choisir leur poste.
Au fil du temps, l'engagement RSE de l'entreprise est entré dans les critères de choix des candidats : 58% des répondants à une enquête Ifop(3) affirment que la politique RSE d'une entreprise est un critère important au moment de choisir d'y travailler. Pour éviter les erreurs d'appréciation dans leur recherche de poste et de regretter d'avoir choisi une entreprise plutôt qu'une autre, les candidats se renseignent quasi-systématiquement par le biais de sites collaboratifs comme Glassdoor, et posent des questions ciblées à leurs membres. Leur engouement pour les sujets RSE, autant environnementaux que sociaux, est renforcé par l'émergence de la plateforme " Pour un réveil écologique ", du think tank The shift project', et des mouvements 'Fridays for Future' ou encore 'Le mouvement associatif'.
La RSE permet à l'entreprise d'être plus compétitive
Respecter et dépasser les lois pour mettre en place des dispositifs plus favorables, se fixer des objectifs concrets et ambitieux (diversité, inclusion, emplois pérennes, etc.), identifier et analyser ses risques (réglementaires, de réputation, d'image, etc.) : ces principes favorisent l'émergence d'une stratégie RH vertueuse et viennent influencer positivement la culture d'entreprise et sa "marque employeur". Atout potentiellement considérable quand 69% des recruteurs(4) s'accordent à dire que leur marque employeur a une influence cruciale sur leur capacité à recruter des talents.
Christine Prouin, Responsable Performance RSE au sein de la FDJ affirme : "Le taux d'engagement des collaborateurs du groupe est de 87% et 85% recommandent FDJ comme employeur(5). Pour être attractifs auprès des candidats, nous faisons connaître nos valeurs et les preuves de nos engagements, notamment en RSE".
Comme illustration d'engagements RSE, il peut être cité le fait que plus de 300 entreprises aient signé la charte "Parental Act" permettant au deuxième parent qui accueille un enfant de prendre un congé d'un mois rémunéré à 100%. D'autres entreprises choisissent la voie du volontariat ou du mécénat de compétences, comme chez l'éditeur de logiciels Salesforce où chaque salarié dispose de 7 jours de congés payés supplémentaires par an dédiés au bénévolat.
Les résultats d'une politique durable de gestion des ressources humaines sont avérés et multiples. Hausse de l'attractivité de l'entreprise, développement d'un environnement multiculturel, réduction de l'absentéisme, hausse de l'engagement, et baisse du turnover en sont quelques exemples.
Ces impacts se constatent à long-terme, comme en témoigne Bruno Pireyn, Directeur des opérations du Label LUCIE : "Ce n'est pas une rentabilité frontale, immédiate, mais si l'on additionne les gains générés en termes de réputation, de qualité, d'engagement des salariés, le bénéfice économique est indéniable".
En effet, un écart moyen de performance de + 9% a été observé entre les entreprises ayant déployé des actions RSE relevant du domaine des ressources humaines(6) et celles ne l'ayant pas fait.
Sachant que les Millenials sont 28% à affirmer vouloir rester au sein de leur entreprise au minimum 5 ans à condition qu'elle soit performante globalement (du point de vue économique, social et sociétal)(7) : l'appropriation et la déclinaison des principes RSE au sein des ressources humaines se confirme être un atout indéniable pour attirer et fidéliser les nouvelles générations.
Attention aux promesses non tenues
Inversement, une démarche RSE qui sera déployée comme un vernis de mauvaise qualité sera vite détectée, et ne pourra que nuire à l'entreprise et à sa performance.
Particulièrement sensibilisés et exigeants, les collaborateurs ont moins de scrupules qu'autrefois à quitter leur entreprise si celle-ci ne respecte pas ses promesses. De même, les démarches qui s'apparentent à du " human washing " ou du "social washing" risquent, à terme, de démobiliser les salariés qui ne sont pas dupes. Deux chiffres donnent matière à réfléchir : 40% des CDI sont rompus dans les douze premiers mois à l'initiative des collaborateurs(8), et une erreur de casting coûte en moyenne entre 45k€ et 100k€ à l'entreprise.
Sincérité, exemplarité et authenticité sont les maîtres mots d'une embauche réussie. Le triptyque "performance économique encourageante", "démarche RSE bien construite et à forte ambition", et "expérience plaisante pour le collaborateur" représente un levier de recrutement pérenne.
La loi Pacte, qui fête bientôt son premier anniversaire, devrait faire émerger progressivement des changements structurants au sein des entreprises. Lesquels viendront satisfaire les attentes des candidats et des collaborateurs, notamment via la possibilité de formuler une raison d'être et/ou de se déclarer "entreprise à mission". Des engagements forts et affichés au sein des statuts juridiques.
Une nouvelle variable, le COVID-19, va complexifier la donne, alors que plusieurs voix s'accordent à penser que les entreprises devront réinventer leur modèle d'affaires. Il sera ainsi question de mobiliser leurs équipes autour d'une mission repensée et de trouver les compétences manquantes pour être capables d'affronter cette crise.
Les entreprises les plus performantes et les plus résilientes seront alors celles qui sauront aligner leurs promesses avec leurs actes au quotidien.
Amal Benali est consultante chez Square.
[1] Enquête Besoins en Main d'Oeuvre, Pôle Emploi, 2019.
[2] "No, Millennials will NOT be 75% of the Workforce in 2025 (or ever)!", Anita Lettink, NGA, septembre 2019. NGA Human Resources est une entreprise de services à destination des ressources humaines.
[3] Enquête "Le regard des Français et leur appropriation de la RSE", Ifop, septembre 2019.
[4] "Les tendances du recrutement en France en 2017", LinkedIn, 2018.
[5] Etude Harris Interactive, 2019.
[6] Responsabilité sociale des entreprises et compétitivité, évaluation et approche stratégique, France stratégie, 2016.
[7] The Deloitte Global Millenial survey, 2019.
[8] Analyses Dares, 2018.