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Dirigeants, l'engagement n'est pas un dossier rh, c'est le carburant de votre stratégie !

Publié par Catherine Archambault, Bernard Coulaty, IÉSEG School of Management le - mis à jour à

A l'heure d'une pénurie critique de talents et face aux multiples défis du moment, favoriser l'engagement individuel et collectif devient un sujet stratégique que les dirigeants doivent s'approprier pleinement.

L'engagement. Voici une thématique au centre des préoccupations des leaders RH et des managers d'aujourd'hui. Et pour cause : les recherches et l'expérience pratique prouvent que travailler avec des collaborateurs engagés est source de performance durable pour nos organisations. Or, on peut se poser la question : si la notion d'engagement impacte positivement les performances et le devenir des entreprises, l'engagement ne devrait pas être un sujet éminemment... stratégique ? Et si l'engagement était une notion non seulement portée par les DRH et les managers opérationnels, mais aussi reprise par l'équipe dirigeante, désirant mobiliser tout le potentiel de l'ensemble des collaborateurs pour mener à bien leurs transformations stratégiques ?

L'engagement au service de la stratégie

L'engagement est une dimension fortement exploitée par les services RH et les managers d'équipes, qui souhaitent trouver des leviers pour maximiser la mobilisation et l'implication durable de leurs collaborateurs dans l'entreprise. En particulier, les managers opérationnels développent différentes tactiques en fonction des niveaux d'engagement observés chez leurs collaborateurs: alors qu'ils adoptent un style plutôt directif et factuel dans l'évaluation de la performance de leurs salariés désengagés, ils investissent dans le développement des compétences de leurs salariés en 'zone grise' – ni engagés, ni désengagés. Également, ils s'appuient sur leurs salariés engagés pour partager les bonnes pratiques, alors qu'ils s'assurent que leurs salariés surengagés prennent du recul sur leur implication, en toute bienveillance.

Toutes ces actions ont certes des effets bénéfiques pour le management sur le terrain et le déploiement des projets opérationnels, et ultimement, sur la performance de l'entreprise. Or voilà : force est de constater que la notion d'engagement n'est pas encore assez assimilée ou incarnée par le top management. En effet, les leaders de maintes organisations ne s'impliquent encore pas à trouver des moyens concrets pour favoriser l'épanouissement relationnel, la confiance, la transparence et le sens en organisation. La cause ? On pourra citer le manque de temps, le refus de faire ce qu'ils considèrent comme du micro-management, et le sentiment de devoir s'occuper de prise de décisions plus stratégiques. Pourtant, n'existe-t-il pas quelque chose de plus stratégique que l'implication des collaborateurs dans la mise en oeuvre des objectifs de l'entreprise? Le modèle culturel et de leadership de l'entreprise ne contribue-t-il pas à créer une expérience positive pour les collaborateurs, entrainant une performance durable pour l'ensemble de l'organisation ?

A partir du moment où les leaders réalisent qu'une stratégie n'est pas écrite et immuable, mais qu'elle émane plutôt du quotidien – et vit par ce que les collaborateurs font et mettent en place jours après jours – le « comment » de l'exécution de la stratégie devient primordial pour la prospérité de l'organisation. Oui, le top management se doit de se réengager au nom de l'engagement, et ce, pour alimenter positivement le développement de la stratégie d'entreprise. Mais comment ?


L'engagement et la stratégie : une dynamique récursive

Tout d'abord, le top management doit prendre conscience de la dynamique récursive entre engagement et stratégie. L'engagement des collaborateurs active le moteur nécessaire pour acter collectivement au nom de la stratégie, et une stratégie forte, avec des énoncés stratégiques connus et appropriés par tous, nourrissent l'engagement.

Cette double boucle, c'est le fondement sur lequel s'appuient les leaders désirant mettre en place des entreprises dites « libérées », telles Valve, Morning Star, Harley-Davidson ou encore Zappos. En effet, et même sans un désir marqué de libérer leur entreprise, les leaders réalisent que l'engagement sert les collaborateurs dans leur montée en autonomie et dans leur prise de responsabilités au nom de la stratégie. Un salarié engagé aura envie d'être force de proposition et d'amener l'entreprise à la réalisation de son plein potentiel, avec un mindset fortement ancré dans le « ce qui pourrait être » versus dans le « ce qui est ».

A l'inverse, une vision forte (et idéalement cocréée) par les collaborateurs poussera les salariés à développer des initiatives porteuses de valeur qui répondent à des vrais enjeux de marché. Les salariés restent, vue leur position au plus près des consommateurs, les mieux placés pour développer de propositions de valeurs d'impact et des processus de gestions efficaces. En résumé, il faut allier une 'raison d'être' forte et créatrice de sens avec une stratégie et des actions visant à donner une bonne 'raison d'en être' aux collaborateurs sur le terrain, et les deux démarches se nourrissent l'une et l'autre. Voilà une belle mission pour nos dirigeants !


Des collaborateurs engagés, ce sont d'abord des dirigeants engagés ... et engageants !

Le top management doit développer des moyens afin de faire vivre l'engagement en organisation, et ce, au nom de la stratégie. Trois leviers sont à leur disposition : le relationnel, la confiance et le sens.

Premièrement, le top management peut repenser comment il s'engage dans les relations qu'il entretient avec ses collaborateurs. Sans relationnel fort, il est à parier que les collaborateurs pourront avoir peur, légitimement, de s'engager au nom de la stratégie. Il est du devoir des hauts gestionnaires de créer ces moments où « être ensemble » et « prendre soin » sont les objectifs premiers. Par exemple, à la suite d'une présentation stratégique, les leaders pourront demander aux collaborateurs d'exprimer ce qui fait sens et moins sens pour eux quant aux informations présentées, et simplement d'accueillir leurs ressentis, en étant présents pour eux, tout simplement. Ceci nécessitera une posture d'écoute active, qui ne soit pas trop « interventionniste ».

Deuxièmement, le top management pourra créer des espaces pour favoriser l'autonomie confiante des collaborateurs. Par exemple, des moments où les leaders se rendent disponible pour répondre aux questions de leurs collaborateurs favorisera une relation de coaching avec les salariés, qui se sentiront plus habilités à monter en autonomie et à prendre des responsabilités stratégiques.

Finalement, le top management pourra créer des réunions « de sens » permettant de partager des informations en toute honnêteté et transparence avec les collaborateurs, sur les bons coups, les moins bons coups – afin de mieux orienter les futures actions stratégiques, et ce, toujours en gardant bienveillance et exigence comme maitres-mots.

La période actuelle est une opportunité sans précédent pour convaincre les directions générales de mettre l'engagement en tête de leur agenda : comment assurer la résilience individuelle et collective ? Quelles actions pour éliminer les silos en interne et recréer les conditions d'un engagement collectif, d'une coopération et d'une reconnexion de tous ? Quels leviers pour développer des postures managériales plus agiles ? Enfin comment transformer la culture de l'entreprise et définir une raison d'être 'corporate' qui donne de la vision et surtout du sens au quotidien à chaque collaborateur dans sa vie personnelle et professionnelle.


En somme, il est possible de réengager les dirigeants autour de la thématique de l'engagement des salariés, et ce, au nom de la stratégie d'entreprise. Cela requerra des leaders humbles, proches des gens, et avec une volonté de non seulement se mettre (et c'est positif !) « les mains dans le cambouis », mais aussi d'être capable « d'importer du stress et d'exporter de l'énergie » ! Certes, c'est une posture différente, plus ouverte, qui demande un brin de courage : mais n'est-ce pas ce petit supplément d'âme dont nos entreprises ont besoin pour développer de nouvelles stratégies durables qui répondent réellement aux nombreux défis en cette sortie de crise ?


Pour en savoir plus

Catherine Archambault, Professeure assistante de stratégie à l'IÉSEG School of Management, spécialisée dans les domaines de la transformation d'entreprise, du renouveau stratégique et des nouvelles formes organisationnelles.


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Bernard Coulaty , ex-DRH en Europe puis en Asie pour de grands groupes français à dimension mondiale, est un expert des stratégies d'engagement et de transformation RH. Auteur de 'ENGAGEMENT 4.0' (EMS, 2018), il partage son expertise à travers son activité de formateur et de consultant. Il enseigne le leadership et dirige le Mastère Spécialisé 'Transformation et Développement Humain' à l'IÉSEG School of Management.