Voitures électriques : les flottes se mettent au courant
Publié par Julien van der Feer le - mis à jour à
Le marché des voitures électriques démarre, comme le prouvent les ventes et le plan produits des constructeurs. Reste à ces véhicules à faire leurs preuves dans les flottes d'entreprise.
Il faut remonter au Mondial de l'Automobile à Paris, l'an passé, pour dater la véritable prise de conscience opérée par les constructeurs automobiles en faveur d'un développement des voitures électriques. Sans prévenir, c'est massivement que les marques ont présenté leurs futurs modèles, mais surtout leurs plans stratégiques en faveur de la voiture électrique.
Un an plus tôt, en soulevant le capot des modèles diesel de Volkswagen, les agents fédéraux de la sécurité routière aux États-Unis ne se doutaient pas qu'en découvrant le logiciel truqueur de VW permettant à ses véhicules de passer les tests d'homologation. Ils ouvraient aussi une boîte de Pandore dont on ne mesure pas encore tous les effets outre-Rhin, en Europe ou en France.
N'empêche qu'en quelques mois seulement, se voulant ainsi rassurants, la plupart des constructeurs ont sorti de leurs cartons les projets de leurs futures voitures électriques. Si la réglementation qui doit frapper un peu plus les voitures les plus polluantes, en 2020, a sans conteste incité aussi les constructeurs à s'orienter vers d'autres options que le diesel, force est de constater que le scandale révélé aux États-Unis et désormais en Europe a aussi eu pour effet de libérer les énergies et de placer les différentes marques automobiles le dos au mur.
La course à l'autonomie est lancée
Mais on retiendra que le bond en avant réalisé en termes d'autonomie des batteries a aussi été le tremplin pour le déploiement de la voiture électrique. Ainsi, la commercialisation récente de nouveaux modèles offrant une autonomie de 400 km mesurée selon la norme NEDC, soit 300 bons kilomètres d'autonomie réelle, a ouvert de nouvelles perspectives de ventes aux constructeurs automobiles et un éventail d'usages beaucoup plus larges aux utilisateurs.
Il en est allé ainsi du lancement récent de la nouvelle Opel Ampera-e 100 % électrique, capable de parcourir 380 km sans recharger et commercialisée au tarif de 39 500 € (bonus de 6 000 € non déduit). Même démarche chez Renault avec la nouvelle Zoe, dotée de batteries passant de 22 à 41 kWh lui offrant désormais une autonomie allant jusqu'à 300 km qui devraient lui permettre de rester en tête des ventes de voitures électriques en Europe. Comme le souligne Gilles Normand, directeur véhicules électriques de Renault, "un frein a été levé avec l'introduction cette année de la nouvelle batterie Z.E. 40 qui double l'autonomie de ce modèle. Par rapport à 2016, la croissance des commandes de Zoe est de 90 %".
Autre leader des ventes de voitures électriques, la nouvelle Nissan Leaf va disposer de batteries de 60 kWh offrant une autonomie de 300 km. Pour Tesla enfin, c'est une autonomie de 500 km qui est proposée en fonction du pack de batteries choisi. Ici, les performances époustouflantes se paient cash : équipée de batteries de 100 kWh, la version P100D de la Tesla Model S est commercialisée 147 200 € tandis que le SUV électrique Tesla Model X est diffusé à partir de 148 400 €.
Les flottes se mettent au courant
Si les ménages sont plus prompts actuellement à opter pour des voitures électriques, les entreprises semblent sortir de leur phase d'observation et devoir désormais encourager leurs flottes à se soucier de leur politique RSE et à s'orienter vers la transition énergétique. Comme l'évoque Jean-François Chanal, directeur général du loueur ALD Automotive, "l'offre de véhicules électriques était bloquée par une autonomie réduite allant de 100 à 150 km. Aujourd'hui, celle-ci passe à 250/300 km et cela va aller croissant désormais avec l'arrivée de nouveaux modèles. Il y a donc véritablement un mouvement en faveur des voitures électriques parmi les flottes".
Même tendance observée par François-Xavier Castille, directeur général d'Arval France : "Les véhicules électriques sont en hausse de 30 % dans la flotte de nos clients, mais nous attendons qu'une progression du nombre de bornes de recharge publiques permette d'accompagner ce développement de la voiture électrique dans les entreprises."
Car comme le fait observer Jean-Loup Savigny, directeur commercial et marketing de LeasePlan, "les entreprises doivent tenir compte de l'ensemble des coûts avant de s'engager dans l'introduction de véhicules électriques et hybrides rechargeables dans leur parc. Des structures de recharge des batteries adaptées à l'utilisation des véhicules sont en effet nécessaires".
Des ventes en progression
Reste qu'au cours du premier semestre 2017, ce sont 13 555 voitures électriques qui ont été écoulées en France, soit une progression des ventes de 9,8 %. La nouvelle Renault Zoe Z.E. 40 contribue largement à cette hausse puisqu'elle enregistre une progression de 41 % pour 9 240 livraisons.
Mais curieusement, c'est du côté des voitures hybrides que provient la surprise, puisque les voitures hybrides plug in sont en progression de 32 % sur les six premiers mois de l'année avec 4 387 immatriculations. Une hausse d'autant plus étonnante que depuis le 1er janvier dernier, il n'existe plus qu'un bonus limité à 1 000 € pour l'acquisition des seuls modèles hybrides rechargeables.
L'étude annuelle TCO Scope de l'Observatoire du véhicule d'entreprise (OVE) explique cette tendance à la lumière de la comparaison des prix de revient kilométriques entre les différents modèles. Selon l'OVE, bien que plus chère à l'achat, une Toyota Yaris hybride, opposée à ses variantes essence ou diesel, se montre plus économique en coûts d'usage quel que soit le kilométrage. Ainsi, le modèle hybride de la petite citadine de Toyota fait jeu égal avec son équivalent diesel même sur de longs kilométrages : PRK de 0,27 € sur 48 mois et 100 000 km.
Cette Yaris hybride bénéficie notamment d'une fiscalité avantageuse (alors que le bonus écologique a été supprimé en début d'année sur cette catégorie de motorisation) ainsi que d'une bonne valeur de revente et bien sûr d'un poste carburant faible à l'usage. Cet état des lieux favorable aux motorisations alternatives ne se retrouve cependant pas dans le comparatif réalisé entre une VW Golf hybride rechargeable opposée à ses variantes essence et diesel.
Dans tous les cas de figure, c'est la version essence qui sort vainqueur de ce match, et cela quel que soit le kilométrage choisi. Ici, le différentiel de prix à l'achat intervient en faveur de la version essence, tout comme la valeur prévisionnelle de revente ou encore les charges fiscales et sociales plus faibles que sur les autres variantes de motorisation. L'OVE signale en particulier que la version VW Golf hybride rechargeable pâtit de son prix de vente plus élevé ainsi que d'une valeur de revente inférieure et d'un bonus qui est passé cette année de 4 000 à 1 000 € pour cette catégorie de voiture.
Encore des freins à l'usage dans les flottes
Mis en avant dans la "com" des constructeurs automobiles, les modèles électriques restent à la peine lorsque l'on établit leurs coûts d'usage réels. Ainsi, selon l'OVE, la Renault Zoe ne parvient pas à s'imposer face à une Renault Clio, qu'il s'agisse de la version essence ou diesel. Ici, la petite citadine 100 % électrique de Renault souffre d'une dépréciation supérieure à celle des modèles thermiques ; quant au coût de l'énergie, celui-ci est impacté par la location des batteries (plus de 4 700 € sur la période choisie), par l'infrastructure de recharge et le coût de la recharge.
Dernier comparatif, qui joue cette fois-ci en faveur des modèles électriques, l'Observatoire du véhicule d'entreprise a mis en opposition la VW Golf dans ses versions essence, diesel, hybride rechargeable et électrique. Basée sur des termes de 48 mois et 60 000 km, la comparaison des coûts d'usage de ces variantes place en effet l'e-Golf 100 % électrique comme la plus économique à l'usage. Ce modèle bénéficie en effet d'un bonus de 6 000 € qui ramène le coût d'achat du véhicule au niveau de celui des variantes essence et diesel.
De plus, commente l'OVE, "les charges sociales et fiscales applicables à ce modèle sont inférieures de près de 37 % à celles des motorisations essence et diesel. Par ailleurs, dans cet exemple, l'amortissement non déductible du véhicule électrique n'est que de 2 000 € quand il atteint plus de 5 500 € pour l'hybride rechargeable et près de 4 000 € pour les versions essence et diesel". Reste cependant à mettre à l'épreuve dans un usage professionnel l'autonomie d'environ 300 km réels proposée par cette version électrique de la Golf.
Alors, sans doute, même si leur nombre va progresser dans les flottes, il faudra encore quelque temps pour que les modèles électriques trouvent une place assurée dans les entreprises.