Pays en reconstruction : une piste de business non sans danger
Publié par Gaëlle Jouanne le - mis à jour à
Vous êtes candidat à l'exportation dans un pays qui vient de traverser une crise majeure ? Voici la marche à suivre pour estimer vos chances et les saisir au mieux et ce, en toute sécurité.
Haïti, Japon, Tunisie, Libye... Les pays qui ont connu des catastrophes naturelles ou des crises politiques majeures ne manquent malheureusement pas, ces dernières années. Le choc passé, ils entament une phase de renouveau, synonyme de business potentiel pour vous, à condition de bien vous assurer qu'il y a réellement des contrats à signer dans votre secteur d'activité.
Si vous évoluez dans le monde du bâtiment, au sens large, vous avez certainement une carte à jouer. Mais d'autres biens ou services peuvent intéresser les institutions ou la population. Le périmètre à couvrir s'avère souvent large : infrastructures, architecture, prévention des risques industriels, énergie, transports, assainissement, gestion des déchets, télécommunications, agroalimentaire, etc. Vérifier les besoins est donc une première étape indispensable avant de proposer une expertise, un savoir-faire ou des produits français susceptibles d'accompagner dans la relance ces pays en difficulté.
De nombreuses sources pour s'informer
Pour ce faire, Jean-François Goxe, manager des offres commerce international à la Cegos, recommande de mener rapidement des recherches. Où trouver des données fiables ? Première source : le World Factbook (accessible sur le site de la CIA). Cette publication officielle de la CIA regroupe, pour chaque pays du monde, des données politiques, géographiques, économiques, démographiques et militaires précises, de qualité et réactualisées toutes les semaines.
C'est un moyen de déterminer s'il est pertinent ou non de faire valoir vos compétences. " Et de vérifier que le pays dispose des moyens nécessaires à sa reconstruction ", ajoute le spécialiste, qui estime qu'une vérification des réserves financières en devises s'impose afin de circonscrire, dès le début de la démarche de prospection, le risque financier pris. Les réseaux des chambres de commerce binationales, les services économiques des ambassades et les bureaux locaux d'Ubifrance sont autant de sources proches du terrain et bien informées que vous pouvez solliciter.
Igor Chlapak est le directeur du bureau libyen d'Ubifrance. Sa mission ? " Fournir des informations aux dirigeants qui me sollicitent ", affirme-t-il. D'une part, il analyse les besoins immédiats, à moyen et long termes et, d'autre part, il planifie des mises en relation entre les chefs d'entreprises tricolores et des experts locaux (avocats, comptables, huissiers), des compatriotes déjà en affaire sur place, des prospects ou encore des importateurs.
Son agence organise en parallèle, depuis la France, des missions individuelles et collectives. Selon Jean-François Goxe (Cegos), " c'est la qualité des contacts sur place qui fait la différence ". Il suggère ainsi de faire également appel aux conseillers du commerce extérieur de la France, des dirigeants et experts, fins connaisseurs des pays étrangers. " Ces professionnels de l'entrepreneuriat sont en mesure de vous ouvrir leur carnet d'adresses et de vous apporter de précieux conseils sur les coutumes commerciales ", souligne-t-il.
Assurer sa sécurité physique et financière
Arrive ensuite le moment de vous rendre sur place dans le but de décrocher des commandes. Naturellement, les rencontres en terra incognita supposent de prendre quelques précautions. Pour commencer, consultez le site du ministère des Affaires étrangères. Objectif : savoir exactement où vous mettez les pieds. Autrement dit, si la situation nécessite les services d'un prestataire qui sécurisera vos déplacements, par exemple, ou au moins de recruter une personne sur place qui jouera les guides, notamment dans les endroits dangereux.
Igor Chlapak (Ubifrance) ajoute qu'il faut prévenir l'ambassade ou le consulat de votre présence et mettre à leur disposition votre emploi du temps, demi-journée par demi-journée. " C'est une mesure utile, en particulier lorsque le dirigeant sort des grandes villes pour aller dans des zones isolées ", précise-t-il. En Libye, argumente-t-il, l'armée et la police n'ont pas encore repris le contrôle partout.
Par ailleurs, quand un contrat semble dans la poche, mieux vaut ne pas vous emballer. La solvabilité demeure une problématique de taille. C'est pourquoi les deux spécialistes invitent vivement les chefs d'entreprise à faire signer à la banque de leurs clients une lettre de crédit, ou crédit documentaire, qui s'engage ainsi à vous régler. À cela s'ajoute le recours à des assurances classiques du commerce international, telles que celles proposées par la Coface.
Le plus sécurisant pour vendre et livrer la marchandise reste l'importateur ou l'agent. Jean-François Goxe (Cegos) n'est pas favorable à la création d'une entité dans des pays instables où la corruption est monnaie courante et l'administration sens dessus dessous. Son confère d'Ubifrance, Igor Chlapak, recommande de faire travailler un avocat local en partenariat avec un homologue français, de façon à limiter les risques de bévues juridiques dans les contrats. Enfin, l'expert juge indispensable de se rendre sur place régulièrement afin de mener un suivi de l'avancée des affaires et de surveiller ses partenaires.