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Expatriation du dirigeant à l'étranger : points de vigilances !

Publié par Stéphane Buffa, associé gérant du cabinet KAIRNS Avocats le - mis à jour à

Partir vivre sous des cieux fiscaux plus cléments ne s'improvise pas : le dirigeant souhaitant s'expatrier devra faire attention aux nombreux chausse-trappes fiscaux qui l'attendent à son départ.

Des projets personnels ou professionnels, la situation de son pays de résidence ou même l'attrait pour des cieux fiscaux plus accueillants sont autant d'incitations motivant un projet d'expatriation. Le dirigeant d'entreprise devra toutefois porter une attention particulière aux impacts fiscaux d'une telle décision, surtout si la douceur fiscale du pays d'accueil est l'un des motifs principaux de l'expatriation.

Tout ce qui brille n'est pas d'or

D'abord, le dirigeant devra s'aviser du lieu de sa résidence fiscale. En effet, expatriation physique ne rime pas nécessairement avec transfert de résidence fiscale. Le Code général des impôts français a prévu des critères alternatifs pour déterminer la résidence fiscale en France : le foyer ou le lieu de séjour principal, le lieu d'exercice d'une activité professionnelle principale et le centre des intérêts économiques. À ces critères, il faut ajouter ceux prévus par les conventions fiscales (si une convention est applicable entre la France et le pays d'accueil), lesquels sont variables selon les conventions fiscales. Croire que l'on peut changer sa résidence fiscale vers un autre pays en y passant plus de 183 jours par an alors que l'on a laissé conjoint et enfants en France, est une gageure qui peut exposer à de sévères redressements fiscaux.

Ensuite, quand bien même le dirigeant serait considéré comme résident fiscal étranger, le transfert de résidence fiscale n'est pas suffisant pour échapper à l'imposition en France. En effet, si les résidents fiscaux français sont imposables en France sur l'ensemble de leur revenu, les résidents fiscaux étrangers restent imposables sur les revenus de source française, déterminés par la loi fiscale et les conventions fiscales internationales. Ainsi, les revenus immobiliers sont, en principe, imposables dans l'Etat du lieu de situation du bien, les salaires, sauf exception, au lieu de l'exercice de l'emploi et les dividendes restent souvent soumis à une retenue à la source. On notera, également, que la convention fiscale franco-belge, actuellement en vigueur, prévoit que les rémunérations versées au titre d'un mandat dans une société sont imposables dans l'Etat de résidence de la société.

Plus encore, certaines conventions fiscales, telle la convention fiscale conclue entre la France et les Emirats-Arabes-Unis, ont inséré une clause anti-expatriation stipulant qu'une personne considérée comme résident fiscal des Emirats-Arabes-Unis, selon la convention, reste imposable sur l'ensemble de ses revenus en France, si elle remplie un des critères de la résidence fiscale français mentionnée par le Code général des impôts. En matière d'expatriation, le diable se cache bien souvent dans les détails.

Anticiper les droits de donation ou succession

De même, l'expatriation ne permet toujours pas de s'affranchir des droits de donation ou de succession, si vous souhaitez gratifier un proche. En effet, les droits de donation et de succession peuvent s'appliquer si le bien est situé en France ou si le bénéficiaire réside en France et y a résidé plus de 6 ans au cours des 10 dernières années. La facture peut être très élevée si des droits sont applicables dans le pays d'accueil : la France a conclu peu de conventions fiscales limitant la double imposition des droits de donation et de succession.

Enfin, le départ du dirigeant peut s'accompagner d'une mauvaise surprise : l'Exit tax. Cette imposition s'applique aux plus-values latentes des titres détenus par le dirigeant qui transfère son domicile fiscal hors de France. Autrement dit, le dirigeant (et l'ensemble des titulaires de parts et actions d'ailleurs) se verra imposé sur la différence entre la valeur réelle de ses titres au moment du départ et la valeur d'acquisition des titres qu'il détient du seul fait du transfert de son domicile fiscal.

En résumé, quitter la France pour des raisons purement fiscales n'est pas forcément une bonne solution. Dans tous les cas, le dirigeant devra s'interroger sur les conséquences fiscales de son départ.


Stéphane BUFFA est associé gérant du cabinet KAIRNS Avocats, au sein duquel il co-dirige la pratique fiscale. Il intervient sur les sujets de fiscalité des entreprises et de leurs dirigeants. Parallèlement, il enseigne la fiscalité à l'Université de Picardie Jules Verne.