La rupture conventionnelle de plus en plus sollicitée par les millennials
Publié par Déborah Fallik Maymard et Clémence de Blauwe du cabinet Redlink le | Mis à jour le
Créée en juillet 2008, la rupture conventionnelle vient de fêter ses 10 ans. Dispositif de rupture amiable du contrat de travail, elle présente de nombreux avantages pour les salariés qui en bénéficient.
Le recours de plus en plus important à ce mode de rupture a récemment été confirmé par une étude publiée par le Ministère du travail le 11 février 2019.
En 2018, 437.000 demandes de ruptures conventionnelles ont été adressées à la DIRECCTE, soit une augmentation de 3,9 % par rapport à 2017.
La " jeune " population (les moins de 30 ans) constitue une part importante de ces demandes, puisqu'elle s'élève à 26 % de l'ensemble des salariés.
A l'inverse, seulement 15 % des personnes de plus de 50 ans y ont recours, alors qu'ils représentent plus d'un quart de la population active.
Comment expliquer le succès grandissant de ce dispositif chez les moins de 30 ans ?
Quels avantages ?
Malgré la situation actuelle du marché du travail en France et l'importance du chômage chez les moins de 30 ans, la jeune population est moins encline à s'installer durablement dans une même entreprise et semble de plus en plus avide de mobilité.
A cela s'ajoute le fait que l'entreprenariat séduit de plus en plus cette tranche de la population active.
Quel que soit le projet professionnel poursuivi, la rupture conventionnelle présente l'avantage de la sécurité. Avant la mise en place du dispositif de rupture conventionnelle, un seul choix s'offrait aux salariés qui souhaitaient quitter leur emploi : la démission. Dans ce cas, le démissionnaire, qui n'avait droit à aucune indemnité de rupture, était surtout privé du bénéfice des allocations chômage.
Il devait également respecter une période de préavis, plus ou moins longue selon le poste occupé, qui repoussait la date de son départ.
Depuis l'entrée en vigueur de ce nouveau mode de rupture, les salariés qui concluent une rupture conventionnelle (qu'ils cherchent un emploi salarié ou qu'ils décident de créer leur entreprise), peuvent désormais prétendre au versement d'une indemnité de licenciement et bénéficié d'allocations chômage.
En outre, cette pratique permet un départ plus " rapide " puis-qu'aucun préavis ne doit être effectué.
Seule une période d'environ 45 jours, entre la date de sa conclusion et celle du départ de l'entreprise, doit être observée, temps laissé aux signataires pour éventuellement se rétracter puis à l'administration d'homologuer la rupture.
Les jeunes attirés par le bénéfice d'une indemnité de rupture ?
Le bénéfice de l'indemnité de licenciement ne peut seul expliquer l'attrait du dispositif chez les jeunes. En effet, le montant de l'indemnité est calculé en fonction de deux critères cumulatifs : le salaire moyen d'une part, l'ancienneté d'autre part. Elle est donc généralement peu élevée chez les moins de 30 ans, qui cumulent en général une ancienneté peu élevée et une rémunération qui ne se situe pas dans les plus hauts niveaux des grilles de salaire. Le succès auprès de la jeune génération, attirée par la rapidité de la rupture du contrat et le bénéfice des allocations chômage, est sans doute à l'origine du succès de la rupture conventionnelle qui offre des possibilités de changements professionnels garantis par une sécurité financière.
Véritable choix du salarié ou mode de rupture imposé par l'employeur ?
Certaines voix s'élèvent pour critiquer le recours de plus en plus fréquent à la rupture conventionnelle.
Ses détracteurs expliquent qu'il s'agirait en réalité d'un mode de rupture imposé par les employeurs, souhaitant se séparer de leurs salariés " impuissants " sans avoir à mettre en oeuvre une procédure de licenciement.
Ce dispositif est effectivement avantageux pour l'employeur qui dispose d'une alternative au licenciement, plus simple, plus rapide et moins contestée judiciairement.
Toutefois, les salariés restent demandeurs au regard des avantages accordés en comparaison avec une simple démission : versement de l'indemnité de licenciement et, surtout, bénéfice d'allocations chômage.
Aux termes des résultats d'une enquête publiée par le Ministère du Travail en 2013, le choix de cette procédure est vécu par 48 % des salariés comme le résultat d'une acceptation commune, par 38 % comme étant un choix du seul salarié et par seulement 14 % comme un choix de l'employeur.
A n'en pas douter, ce dispositif a encore de beaux jours devant lui. C'est d'ailleurs pour cette raison que les ruptures conventionnelles " collectives " ont été introduites dans le droit du travail français par les ordonnances n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et n°2017-1718 du 20 décembre 2017. Plusieurs grands groupes français et internationaux y ont d'ailleurs eu recours.
Il est toutefois encore trop tôt pour en apprécier la portée.
En savoir plus
Déborah Fallik Maymard : associée au sein du cabinet Redlink, intervient aux côtés des PME, des entreprises de taille intermédiaire et des filiales de groupes anglo-saxons pour les assister au quotidien dans la gestion des aspects individuels et collectifs du droit du travail. Elle a développé un savoir-faire particulier dans la négociation collective, les réorganisations d'entreprise ainsi que dans la mise en place de système de rémunération complémentaire telle que l'épargne salariale. Son accompagnement au quotidien des acteurs des ressources humaines lui permet également de les assister tant en conseil qu'en contentieux.
Clémence de Blauwe, collaboratrice au sein du cabinet Redlink, est avocat au Barreau de Paris depuis 2015. Elle intervient en droit pénal et droit social, tant en conseil qu'en contentieux. Elle conseille les clients du cabinet sur toutes les questions relatives à législation en droit du travail et en protection sociale.