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Comment prévenir et gérer les contrôles sur le chômage partiel

Publié par Sandrine Roubin, avocate associée du cabinet Enthemis le | Mis à jour le

Si vous avez eu recours au régime du chômage partiel dans le cadre de la crise sanitaire, il importe de vous préparer aux nombreux contrôles approfondis qui s'annoncent de la part des Direccte, sous l'égide du Ministère du travail.

Comme cela pouvait être anticipé, le gouvernement a souhaité renforcer le contrôle sur les demandes d'activité partielle formées dans le cadre de la crise sanitaire. Une instruction a d'ailleurs été adressée le 5 mai 2020 par le Ministère du travail aux Direccte afin de leur présenter le plan de contrôle qu'elles sont invitées à mettre en place au plus vite.

En effet, trop d'approximations, de légèreté, d'abus, voire de fraudes, ont d'ores et déjà été mis en évidence dans le recours au dispositif : recours injustifié, erreurs de calcul, mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé parallèlement de (télé)travailler (même partiellement), demandes de remboursement majorées par rapport au montant des salaires effectivement payés, demandes d'indemnisation pour des salariés ayant posé des jours de congés ou de RTT...

Dans ce contexte, il est demandé aux Direccte de traiter rapidement et systématiquement tout signalement transmis par les salariés, les organisations syndicales de salariés ou les instances représentatives du personnel. Il leur est également enjoint de multiplier les contrôles a posteriori.

Comment ces contrôles vont-ils se dérouler ?

Lors du contrôle, l'entreprise devra être en mesure de fournir tous les justificatifs liés à la mise en oeuvre du dispositif et apporter la preuve :

  • de la réduction ou suspension d'activité dont elle a fait l'objet si tel est le cas ;
  • de son origine : activité entrant dans le champ d'application d'un arrêté de fermeture ? Suspension de tout ou partie des contrats en cours à l'initiative des clients ? Problèmes d'approvisionnement ? Etc.
  • de ses effets : quelle en est l'importance ? Quels sont les postes et/ou les équipes concernés ? Pourquoi le sont-ils (elles) ? Quel est l'impact de la baisse d'activité sur tel ou tel poste ?
    Pourquoi cela a-t-il justifié la suspension pure et simple des contrats de travail ? Dans quelle mesure un passage du temps complet au temps partiel pouvait-il être envisagé ?
  • en l'absence d'une telle baisse ou suspension d'activité et si l'entreprise était donc potentiellement en mesure de poursuivre son activité : lui était-il impossible de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés, par le recours au télétravail, d'une part, et aux mesures barrière, d'autre part ?
  • Il est clair qu'une entreprise ayant eu recours au dispositif à seule fin de ne pas réduire ses marges bénéficiaires, par exemple, pourra être considérée comme ayant abusé du dispositif.

    L'entreprise devra également être en mesure de justifier, pour chaque salarié concerné par le dispositif, des modalités de calcul de l'allocation de chômage partiel demandée à l'ASP (Agence de service et de paiement).

    Il doit en effet y avoir une exacte corrélation entre le salaire horaire perçu par le salarié et son indemnité de chômage partiel (sur la base du type de chômage partiel dont il est l'objet, bien-sûr, à savoir suspension du contrat de travail ou simple réduction du temps de travail du salarié).

    Par ailleurs, il doit ressortir des documents administratifs de l'entreprise que le salarié mis au chômage partiel n'était pas dans le même temps en congés payés, en arrêt-maladie ou encore en RTT. Toutes choses qui seront potentiellement vérifiées...

    Comment les Direccte vont-elles raisonner ?

    Elles vont opérer une distinction entre les entreprises qui, de bonne foi, ont fait des erreurs en renseignant leurs demandes d'indemnisation sur le site de l'ASP, et celles qui ont fraudé :

  • l'entreprise de bonne foi sera simplement invitée à réparer son erreur et régulariser sa situation, étant précisé que les Direccte prendront en compte la situation financière de l'entreprise pour fixer les modalités de remboursement des sommes dues ;
  • l'entreprise considérée comme coupable de fraude avérée sera passible de très lourdes sanctions, pénales et/ou administratives.
  • Quelles vont être les cibles principales de ces contrôles ?

    Seront prioritairement contrôlées :

  • les entreprises qui ont demandé des indemnisations sur la base de taux horaires semblant en inadéquation avec les postes des salariés concernés ;
  • les entreprises ressortant des secteurs non concernés par les arrêtés de fermeture mais ayant pourtant eu largement recours à l'activité partielle (secteur du BTP par exemple), les activités de service administratif, de soutien et de conseil aux entreprises et autres, par définition compatibles avec le télétravail ;
  • les entreprises dont l'effectif est composé d'une majorité de cadres susceptibles d'exercer leurs fonctions en télétravail.
  • Quels types de mesures les Direccte pourront-elles prendre ?

    A l'issue du contrôle, les Direccte pourront prononcer plusieurs types de décisions ou de sanctions : le retrait de la décision administrative d'autorisation si la demande d'activité partielle est considérée comme injustifiée (baisse d'activité de l'entreprise ou de l'établissement insuffisamment caractérisée, par exemple) ;

  • le retrait de telle ou telle décision administrative d'indemnisation (concernant tel ou tel salarié et telle ou telle période, par exemple) ;
  • la régularisation des indemnisations versées, soit dans un sens favorable à l'entreprise (versement à l'entreprise de sommes qui lui étaient dues), soit dans un sens défavorable (remboursement de l'indû à l'ASP) ; de telles restitutions seront effectuées soit de manière volontaire de la part de l'entreprise, soit de manière non consensuelle par la voie d'une procédure de reversement initiée par la Direccte et mise en oeuvre par l'ASP ;
  • l'application d'une sanction administrative en cas de fraude constatée par procès-verbal, ladite sanction pouvant prendre plusieurs formes :

    > l'exclusion pour une période maximale de 5 ans à l'accès à certaines aides publiques en matière d'emploi ou de formation professionnelle, notamment l'aide au titre de l'activité partielle ;
    > le remboursement des aides accordées dans les 12 mois précédant l'établissement du procès-verbal.
  • L'entreprise et/ou son responsable légal seront alors également passibles des sanctions pénales prévues en cas de travail illégal, à savoir deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

    Au regard de ces éléments et de l'attention particulière dont les Direccte sont appelées à faire preuve dans le cadre de leurs contrôles, on ne peut qu'encourager les entreprises à préparer leurs dossiers avec la plus grande vigilance...

    Pour en savoir plus

    Sandrine Roubin, associée du Cabinet Enthemis, intervient en contentieux dans les domaines de la sécurité social, du droit du travail et du droit commercial. Auparavant : dix ans chez Gide Loyrette Nouel puis Stibbe Simont Monahan Duhot, avant de créer son propre cabinet. Elle y développe son expertise en contentieux des affaires et en droit social.




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