Titres restaurant et télétravail : quelles obligations pour l'employeur ?
Publié par Anne Leleu-Eté du cabinet Ale Avocats le | Mis à jour le
Depuis l'instauration du télétravail à grande échelle, du fait de la pandémie de Covid-19, ou plus progressivement au cours de l'année 2020, certaines entreprises se sont interrogées sur la possibilité de retirer les titres restaurant à leurs salariés placés en télétravail. Qu'en est-il réellement ?
Le 16 mars prochain, le télétravail généralisé fêtera son premier anniversaire. Imposée en période de confinement strict ou fortement encouragé depuis ces derniers mois, cette nouvelle forme d'organisation du travail soulève régulièrement des interrogations, parmi lesquelles l'octroi des titres restaurant.
En effet, lorsqu'il a été mis en place au sein de l'entreprise, cet avantage peut s'avérer coûteux sur le long terme. Dans un contexte de crise et de potentielles difficultés économiques, il apparaît dès lors légitime pour l'employeur de s'interroger sur la possibilité de supprimer les titres restaurant pour les salariés en télétravail. Récemment, la presse s'est d'ailleurs fait écho de la décision de certaines entreprises de supprimer cet avantage au profit des salariés en situation de télétravail.
En pratique, quelles sont les obligations de l'employeur à ce sujet ?
Si l'employeur attribue des titres restaurant à ses salariés, peut-il les supprimer librement, ou non, et/ou peut-il les réserver à une certaine catégorie de salariés ? Plus particulièrement, peut-il en exclure les télétravailleurs au motif que ces derniers déjeunent à leur domicile ? Voici quelques éléments de réponse à ces questions.
L'obligation de respecter le principe d'égalité de traitement à l'égard de l'ensemble des salariés
En matière de télétravail, il existe un principe essentiel prévu par l'article L.1222-9 du Code du travail, selon lequel les salariés en télétravail bénéficient des mêmes droits que les salariés qui exécutent leur travail dans les locaux de l'entreprise. Ce principe d'égalité de traitement impose à l'employeur de traiter de la même manière les salariés qui travaillent sur site et ceux en situation de télétravail : il s'applique à tous les avantages octroyés aux salariés, et, par définition, aux titres restaurant.
Ainsi, lorsque les titres restaurant ont été mis en place au sein de l'entreprise, ces deux catégories de salariés doivent y avoir accès dans les mêmes conditions.
En application des dispositions de l'article R.3262-7 du Code du travail, tout salarié, sur site ou en situation de télétravail, qui prend son repas pendant son horaire de travail, devra donc bénéficier d'un titre restaurant par jour travaillé.
Cette position, qui rejoint également celle de l'Urssaf, a été rappelée dernièrement par le gouvernement dans son " questions/réponses " relatif au télétravail en période de Covid-19, selon lequel " dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l'entreprise bénéficient des titres restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes. "
L'initiative de certaines entreprises de mettre fin à l'octroi de titres restaurant au bénéfice des salariés en situation de télétravail - qui pour certaines font l'objet de contentieux actuellement - sera très probablement jugée à l'aune de ces dispositions.
Des possibilités de modulation ou de suppression très limitées
Si l'employeur est tenu de respecter le principe d'égalité de traitement dès lors qu'il a mis en place les titres restaurant au sein de l'entreprise, rien ne lui impose, en revanche, d'accorder cet avantage indifféremment à tous les salariés.
Pour mémoire, il n'existe aucune obligation légale de mettre en place un dispositif de titres restaurant. En pratique, ce type d'avantage est le plus souvent attribué lorsque l'employeur rencontre des difficultés matérielles pour installer un local de restauration et pour proposer les services d'un restaurant d'entreprise.
De ce fait, il est permis d'en subordonner l'attribution à certains critères. Ces critères doivent néanmoins être objectifs et non-discriminants.
Il sera ainsi admis, par exemple, de prévoir une tarification différente des titres restaurant en fonction de l'éloignement du travail par rapport au domicile, ou encore de réserver les titres restaurant aux salariés présentant une durée minimale de travail au cours du mois. En revanche, la seule différence de catégorie professionnelle (cadre / non-cadre par exemple) ne saurait en elle-même justifier une différence de traitement.
S'agissant d'un dispositif déjà mis en place, l'instauration de critères de modulation devra toutefois être prévue dans un délai suffisamment raisonnable, et dans le strict respect des règles relatives à la modification de la norme par laquelle le dispositif a été instauré (usage, engagement unilatéral, etc.). Il en serait de même si toutefois certaines entreprises souhaitaient, cette fois, supprimer totalement le bénéfice des titres restaurant vis-à-vis de l'ensemble de leurs salariés.
Quoiqu'il en soit, dans un contexte déjà tendu, il sera nécessaire d'anticiper ces sujets dès lors que la remise en cause d'un tel avantage pourrait conduire à des contestations, voire à des contentieux.
En savoir plus
Anne Leleu-Eté du cabinet Ale Avocats, membre d'Avosial est avocat en droit du travail et de la sécurité sociale. Elle conseille notamment des entreprises et des entrepreneurs individuels en matière de gestion du personnel et de représentants du personnel. Elle intervient sur des dossiers plus ponctuels tels que restructurations, audits, contrôles Urssaf, détachement/expatriation, sous-traitance, etc. Le cabinet assiste également ses clients en matière contentieuse.