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Levée de fonds : misez sur l'activité extra-financière !

Publié par Antoine Grondin Directeur exécutif Environnement, Social et Gouvernance | Co - Président du Comité Extra-financier" le | Mis à jour le

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Créations d'entreprises

Dans un contexte où les critères financiers seuls ne suffisent plus à convaincre les investisseurs, l'intégration des éléments extra-financiers s'impose comme un levier incontournable. Aujourd'hui, les banques, fonds d'investissement et créanciers regardent au-delà des simples chiffres pour évaluer les entreprises.

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) devient un pilier stratégique, apportant une transparence sur les risques potentiels - qu'ils soient liés à des questions environnementales, sociales ou de gouvernance (ESG). Pour les dirigeants en quête de financement, maîtriser et valoriser cette dimension peut offrir un avantage décisif, renforçant la confiance des investisseurs face à des risques parfois invisibles dans les rapports financiers traditionnels.

Lors des processus de levées de fonds ou lors des refinancements annuel, la capacité d'une entreprise à évaluer et à documenter ses risques extra-financiers joue un rôle déterminant. On peut ainsi identifier plusieurs outils fondamentaux de la RSE plébiscités par les investisseurs :

  • Principal Adverse Impact (PAI) : Cette mesure évalue les effets négatifs majeurs qu'une entreprise pourrait avoir sur son environnement ou sa communauté. Les investisseurs cherchent des informations précises sur les risques associés aux activités de l'entreprise, allant de son impact écologique à ses pratiques de gestion sociale.
  • Historique d'exposition aux risques : Les banques et autres créanciers requièrent le passif de l'entreprise. Ils s'intéresseront alors à d'éventuels incidents passés, comme des condamnations ou des accidents majeurs, le plus souvent sur une période de 5 à 10 années.
  • Risques prévisionnels : Une analyse prospective de l'exposition au risque est souvent requise sur une période de 5 ans. Cela peut inclure des projections de risques liés aux changements législatifs, aux effets climatiques pouvant impacter les actifs immobilisés ou les positionnements marchés pouvant dégrader la valeur de l'entreprise.
  • Pour répondre aux attentes des investisseurs, il est essentiel d'intégrer ces éléments dans l'offering memorandum aux côtés des autres documents de financement.

    Améliorer la Qualité de l'Information Extra-Financière

    Indépendamment des informations fournit, l'élément différenciant entre PME, ETI et Grand groupe est souvent la qualité des informations extra-financière. Il est donc essentiel d'adopter les bonnes pratiques pour augmenter ses chances de financement :

  • Unicité de l'information : Il est important que l'ensemble des données relative à l'activité extra-financière de l'entreprise soit unifié au sein d'un document unique. Il est la preuve de l'existence de processus de consolidation et limite grandement le risque de contradiction. Une entreprise au début de son aventure RSE favorisera alors un rapport extra-financier annuel alors qu'un groupe plus établi préféreras intégrer l'information RSE directement dans son rapport de Management annuel.
  • Standardisation des données : Les investisseurs et auditeurs, pour évaluer les risques et opportunités d'une entreprise face à un secteur se réfèrent standards tel que l'ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ou SASB (Sustainability Accounting Standards Board). Catégoriser son information RSE limite toute mauvaise interprétation de son information extra-financière.
  • Certifications et labels : L'obtention de certifications reconnues, telles que l'ISO 14001 pour la gestion environnementale ou le label B Corp pour l'engagement sociétal, est une démarche valorisée par les investisseurs. Ces labels apportent une preuve tangible d'adhésion aux normes élevées de la RSE et sont un gage de conformité aux bonnes pratiques environnementales et sociales.
  • Notations extra-financières : L'évaluation extra-financière est un exercice périlleux et couteux mais représente probablement l'une des garantis les plus forte de la performance d'une entreprise. Dans le cadre des PME et ETI, l'on va préférer des solution tout en un tel qu'ECOVADIS ou SMARTRACKER . Dans le cadre du capital investissement, les initiatives tel que l'IDCE (International Development and Cooperation ESG Fund) seront plus adapté bien que plus spécifiques.
  • Une documentation soignée et alignée avec les meilleures pratiques dépasse le simple respect des obligations légales. Elle témoigne d'une réelle volonté de transparence et de maîtrise des risques, renforçant ainsi la confiance des investisseurs.

    Les Plus qui Font la Différence

    Pour se démarquer lors de levées de fonds ou de refinancements, les dirigeants doivent aller au-delà des attentes minimales en matière de RSE. Voici quelques initiatives clés qui peuvent véritablement faire la différence et attirer l'attention des investisseurs :

  • Green Bonds (Obligations Vertes) : Émettre des obligations vertes pour financer des projets durables est un moyen efficace de démontrer l'engagement d'une entreprise envers la transition écologique. Cela nécessite une préparation rigoureuse, notamment en documentant l'utilisation des fonds et en assurant la transparence sur les impacts environnementaux des projets financés. Les investisseurs sont de plus en plus attirés par ces instruments, car ils alignent leurs portefeuilles avec des objectifs durables.
  • Capital Allocation (Attribution de Capital) : Mettre en avant une stratégie claire d'allocation de capital dédiée à des projets de durabilité (OPEX et CAPEX) peut séduire les investisseurs recherchant des entreprises alignées avec la directive européenne sur la taxonomie.
  • Active Ownership (Engagement Actif) : Les entreprises doivent envisager de promouvoir leur influence au sein des conseils d'administration, des cercles d'affaires et des consortiums sectoriels pour défendre des pratiques responsables. Fournir une liste des consortium, groupe de décisions et conseil d'administration de l'entreprise permet de démontrer de l'impact sectoriel du groupe.
  • Ces éléments, lorsqu'ils sont bien intégrés dans la stratégie globale de l'entreprise, peuvent substantiellement améliorer son attractivité aux yeux des investisseurs.

    La Notion d'Investissement durable

    Il existe cependant une notion fondamentale à maitriser pour se différencier lors des procédures de financement grâce à son activité extra-financière : l'investissement durable et l'effet de levier RSE.

  • L'empreinte RSE comme critère d'évaluation : Elle caractérise l'impact direct qu'à une entreprise via son activité (émission carbone, écart salarial...). On s'intéressera alors à montrer que l'entreprise à un impact négatif minimale sur son environnement. C'est une approche interne et figée de la valeur RSE.
  • L'effet de levier RSE : Cette notion se réfère à l'influence qu'une entreprise peut avoir sur son secteur et au-delà. C'est une approche dynamique et externe de la valeur RSE. Une entreprise pétrolière pourrait alors argumenter son financement en montrant la réduction de son impact environnemental grâce à l'attribution de ses fonds.
  • Une entreprise pétrolière peut séduire les investisseurs en mettant en avant son effet de levier RSE. En investissant dans des projets d'énergie renouvelable et en adoptant des initiatives visant à réduire son empreinte carbone, elle démontre sa capacité à influencer positivement son secteur et à générer un impact environnemental favorable. Elle argumente que l'attribution de ses fonds à des projets durables contribue non seulement à la réduction de son impact environnemental, mais aussi à un changement positif au sein de l'industrie pétrolière dans son ensemble.

    D'un autre côté, une entreprise de jeux vidéo se vend aux investisseurs principalement sur la base de son empreinte RSE. En présentant une faible empreinte, caractérisée par des émissions de carbone minimales et des pratiques de travail responsables, elle démontre qu'elle a un impact négatif limité sur son environnement. Cette approche interne permet à l'entreprise de rassurer les investisseurs sur sa conformité aux normes RSE tout en affichant une croissance stable et des perspectives de rentabilité, même si son influence sur le secteur est moins dynamique que celle d'une entreprise pétrolière engagée dans des initiatives de changement.

    Conclusion

    En somme, l'intégration stratégique des critères extra-financiers est devenue essentielle pour séduire les investisseurs. En appliquant les bonnes pratiques RSE et en mettant en avant votre empreinte RSE et votre effet de levier RSE, vous avez l'opportunité de transformer la perception de votre entreprise auprès de vos futurs investisseurs.


    Antoine Grondin est directeur exécutif en charge de l'ESG dans un groupe industriel international, spécialisé en stratégie d'entreprise et en relations avec les actionnaires et investisseurs. Ingénieur diplômé en génie énergétique de l'École des Mines,il a complété sa formation à la Harvard Business School en Strategy Execution. Modérateur du Comité extra-financier, il partage chaque mois son expertise sur les enjeux de durabilité et de performance extra-financière.