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Comment Euveka a rebondi après l'échec d'une levée de fonds

Publié par Stéphanie Gallo Triouleyre le | Mis à jour le

Le carnet de clients d'Euveka regorge de grands comptes prestigieux intéressés par ses robots mannequins capables de reproduire différentes morphologies. Pas suffisant pour les fonds d'investissement qui ont refusé de suivre la jeune pousse en 2020. Un appel à l'aide médiatisé lui a permis de rebondir.

Un robot évolutif

« En réalité, qui ressemble aux mannequins de bois qu'on aperçoit dans les vitrines des boutiques de vêtements ? Personne, ou presque ! Et pourtant, c'est à partir de cette base imaginaire que les marques de mode conçoivent leurs vêtements et les segmentent en différentes tailles. Ces mannequins rachitiques sont tout, sauf inclusifs. » C'est à partir de ce constat qu'Audrey-Laure Bergenthal, alors âgée de moins de 30 ans et juriste en propriété industrielle, crée en 2011 Euveka.

Elle développe et dépose un brevet pour un mannequin-robot évolutif, piloté par un système de data-management et capable de reproduire une infinité de morphologies. « Il permet aux fabricants de simuler différentes morphologies afin de proposer des vêtements correspondant à un maximum de personnes dans chaque taille ». Euveka avance vite, son concept séduit de grands noms comme Etam, Chanel, La Fée Maraboutée, Adidas, Amazon... Elle réalise deux levées de fonds en 2016 et 2017 pour un total de 4 millions d'euros. La start-up encaisse ses premiers euros de chiffre d'affaires, en 2018 elle enregistre 1,1 million d'euros avec une quinzaine de robots et fait un carton au CES de Las Vegas où elle remporte un Innovation Award.

Le calme avant la tempête

Malgré ces succès de notoriété, les rentrées d'argent ne sont pas suffisantes pour porter le déploiement commercial et industriel d'Euveka. La pépite industrielle doit lever des fonds. « J'avais de nombreuses propositions américaines, mais j'ai préféré privilégier la France. Sauf que les fonds d'investissement français n'ont pas compris qu'après une phase de R&D et d'acquisition, nous avions besoin d'une phase de stabilisation et de sécurisation. Ces grands noms avec lesquels nous avions signé nous annonçaient de très grosses commandes » , se souvient, avec dépit, Audrey-Laure Bergenthal.

« Pour une start-up industrielle, c'est beaucoup plus compliqué de lever des fonds que dans le digital. Et puis, j'ai tout entendu : on m'a gentiment expliqué que j'avais tout un tas de faiblesses - j'étais installée dans la Drôme, j'étais une femme, je n'étais pas ingénieure, j'avais trop de salariés, etc. » . Fin 2019, l'entreprise emploie 30 personnes dont 25 sont affectées à la R&D.

Début 2020, la start-up est au bord du dépôt de bilan avec un résultat net de -1,7 million d'euros et plus de 5 millions de dettes. « On nous a laissés pour morts, tout simplement » . La dirigeante admet toutefois avoir trop attendu pour se lancer dans ses démarches, persuadée qu'elle réussirait facilement, au vu des propositions outre-Atlantique qu'elle avait reçues.

SOS

L'entreprise était connue des médias et du secteur de la mode et, en quelques années, elle avait fait un joli chemin de notoriété et raflé quelques prix. Encouragée par des journalistes, Audrey-Laure Bergenthal se décide à lancer un appel à l'aide médiatique. « Je suis encore émue des retombées de cet appel à l'aide. Nous avons reçu des dizaines de mails et d'appels de personnes qui voulaient nous soutenir. Finalement, la région nous a accordé une subvention qui a débloqué notre situation. Nos clients nous ont soutenus en maintenant leurs commandes. Nous sommes remontés pied à pied et, finalement, le fonds Sofimac Partners nous a attribué un financement ». La dirigeante s'est battue avec l'acharnement, non pas du désespoir mais de la folle conviction que son entreprise finirait un jour par révolutionner le monde de la mode. « Ces quelques mois m'ont paru une éternité, mais cela n'a finalement duré que six mois... » . Dans cette épopée du sauvetage, Euveka doit toutefois se séparer d'une bonne partie de l'équipe.

American Dream

Depuis, Euveka poursuit son chemin. Parmi ses plus fidèles supports, Nike, Amazon ou encore Ralph Lauren. « Nous avons signé un partenariat avec Accenture pour accompagner nos clients dans le changement. Notre robot permet de modifier en profondeur son approche des tailles et des morphologies, cela nécessite des adaptations ». Euveka veut maintenant opérer une nouvelle levée de fonds, de l'ordre de 5 M€, qui lui permettra de financer la première phase d'accélération américaine avec le déploiement en grand nombre de robots chez ses grands clients. « Cette fois, nous irons chercher des fonds américains sans sourciller » , précise la dirigeante. La levée de fonds permettra à l'entreprise de recruter de nouveau et de financer la fabrication de ses robots, sous-traitée à des industriels situés sur son territoire, autour de Valence. Animée par ce combat du financement des start-up industrielles en France, mais aussi de la place des femmes dans cet écosystème, Audrey-Laure Bergenthal est porte-parole de la nouvelle organisation Start Industrie, créée à l'été dernier pour porter le sujet du financement des jeunes entreprises industrielles.

Conseil

« Il faut savoir s'affirmer face aux investisseurs. Ils nous demandent des millions d'informations, nous observent, avancent, et puis peuvent se désengager au dernier moment, sans remords. Il faut essayer d'équilibrer au maximum le rapport de force même si, évidemment, c'est très compliqué. »