Quand les PME misent sur l'épargne salariale
Publié par Amélie Moynot le | Mis à jour le
Tandis que la loi Pacte, l'un des grands chantiers du gouvernement pour 2018, se penche sur le sujet, l'épargne salariale a été au coeur d'un événement thématique, mardi 6 février 2018 à Paris. Comment faire évoluer la situation dans les petites entreprises, où elle est peu usitée ? Morceaux choisis.
Simplifier la participation et l'intéressement, élargir le nombre de bénéficiaires ou encore développer l'actionnariat salarié de façon à ce que 10 % du capital des entreprises soient détenus par ceux qui y travaillent.
Ces propositions ont été formulées par des députés et des chefs d'entreprise dans le cadre de la préparation du projet de loi Pacte, annoncé par le gouvernement pour le printemps 2018 et visant à favoriser la croissance et la transformation des entreprises.
C'est dans ce contexte que les 5e Rencontres de l'épargne salariale, organisées par Fondact, association qui oeuvre pour promouvoir ces dispositifs (participation, intéressement, PEE, etc.), se sont tenues à Paris, mardi 6 février 2018. Un événement qui rencontre ainsi, cette année, un écho tout particulier.
"Depuis le général de Gaulle [qui a créé la participation à la fin des années 1960, ndlr] nous n'avons jamais vu un président qui partage aussi fort nos convictions", se réjouit en substance Michel Bon, président de Fondact, en ouverture de l'événement.
Si l'enjeu est davantage pris en considération par les pouvoirs publics, les TPE et PME sont pour l'heure davantage éloignées de la problématique que les grandes entreprises. Alors que dans les sociétés de 1000 salariés et plus, 90 % des salariés bénéficient d'au moins un dispositif d'épargne salariale, ce chiffre descend à 16 % dans celles de moins de cinquante salariés, rappelle Fondact.
A cela s'ajoute que, selon l'institut de sondage Harris Interactive, seuls 22 % des salariés de PME déclarent bénéficier d'un tel dispositif. Un écart entre les entreprises que la loi Pacte vise, notamment, à réduire en prenant des mesures, en particulier, pour les PME.
Où en sont les dirigeants de #PME avec l'#EpargneSalariale? 4 chiffres @harrisint_fr pic.twitter.com/UNKzq3nkTE
- Chef d'Entreprise (@Chef_Entreprise) 6 février 2018
88 % de salariés satisfaits
L'épargne salariale comporte plusieurs avantages. Elle permet de booster la performance de l'entreprise en associant les salariés aux bénéfices. Elle contribue aussi à fidéliser les collaborateurs, y compris les plus jeunes, dans un contexte où "l'un des problèmes des PME et ETI est la marque employeur, la question de comment attirer les talents", observe Nicolas Dufourcq directeur général de Bpifrance, intervenant à l'une des trois tables rondes de la matinée. Une façon de nourrir la performance à la fois économique et sociale des organisations.
Les salariés, eux aussi, s'y retrouvent. Satisfaits à 88 %, pour ceux qui en bénéficient dans les PME, ils l'utilisent en majorité (58 %) pour leur retraite et, pour un peu plus d'un tiers d'entre eux (37 %), afin d'épargner en vue d'une grosse dépense, selon Harris Interactive.
Revers de la médaille ? Les différents dispositifs (participation, intéressement, actionnariat salariés, PEE, PEI, Perco...) ne sont pas toujours lisibles. "Est-ce qu'il n'y a pas trop d'objectifs assignés à l'épargne salariale ?", interroge Jean-Pierre Balligand, ancien député de l'Aisne et expert du sujet. Fidélisation des salariés, intéressement au bénéfice de l'entreprise... Pourquoi ne pas "revenir aux fondamentaux", revendique l'expert.
Par exemple, la vocation première de la participation est de permettre un partage avec les salariés d'une part des bénéfices de l'entreprise.
Parmi les autres points de vigilance, l'épargne salariale ne doit pas être mise en place pour de mauvaises raisons. "Il ne faut pas qu'une libération anticipée de la participation soit une façon d'augmenter les salaires parce qu'on n'a pas les moyens de le faire", souligne l'expert.
Un enjeu : la pédagogie
Dans ce cadre, certaines PME n'hésitent pas à sauter le pas, à l'image de Sodistra. Cette entreprise de 47 personnes spécialisée dans la fabrication de solutions de traitement de l'air a mis en place l'intéressement. Afin que le dispositif soit vraiment porteur, "il faut passer du temps à faire de la pédagogie", a constaté Erwan Coatanéa, président de l'entreprise.
Concrètement, Sodistra est en train de mettre en place des formations sur l'économie à destination des salariés. Aux yeux du dirigeant, expliquer la différence entre le chiffre d'affaires et le résultat d'une entreprise apparaît utile pour clarifier son fonctionnement économique. Cette clarté constitue une condition sine qua non pour que le dispositif puisse porter ses fruits : "On a observé une bascule immédiate, constaté que les gens ont vu qu'ils avaient un rôle à jouer", a-t-il déjà constaté.
Et le patron d'appeler à "la nécessité de donner des outils aux chefs d'entreprise pour expliquer aux gens, car [l'épargne salariale] peut être un accélérateur pour l'entreprise".
Je suis très attachée à la diffusion d'une meilleure culture, d'une meilleure éducation financière de nos entreprises et salariés, pour que l'#EpargneSalariale devienne une réalité pour tous. C'est un des axes majeurs du PACTE porté par @BrunoLeMaire
- Olivia Gregoire (@oliviagregoire) 6 février 2018
Même pratique chez Bébé au naturel, une PME de 72 personnes et 17 millions d'euros de chiffres d'affaires spécialisée dans les produits bio pour bébés. L'entreprise a mis en place l'intéressement en 2006, soit deux ans après sa création, en constatant que "dans une petite entreprise, tout le monde participe à son développement", relate Christophe Wallyn, son dirigeant.
Là encore, la pédagogie apparaît comme un facteur de réussite. "Chaque mois le compte de résultat est réalisé et transmis par le DAF aux salariés", révèle le dirigeant. Une façon d'aider chacun d'entre eux, explications à l'appui, à faire le lien entre son travail et la performance de l'entreprise. Résultat ? "On constate une stabilité des effectifs, en lien avec ce dispositif et dans le cadre d'une politique globale d'entreprise", explique Christophe Wallyn.
Stabiliser et simplifier
Deux cas qui illustrent que les dispositifs d'épargne salariale sont accessibles aux PME. A condition toutefois que certaines conditions soient remplies. En premier lieu, pour garantir la réussite du dispositif, il ne faut pas qu'il soit sans cesse modifié. "Une PME a besoin de simplicité et de stabilité. Il est essentiel que le dispositif reste lisible", assure Christophe Wallyn de Bébé au naturel.
"Si vous voulez nous aider, surtout ne touchez à rien !" Tel est le cri du coeur de plusieurs dirigeants rapporté par Olivia Grégoire, députée de Paris, qui a participé à l'élaboration du projet de loi Pacte. "La stabilité est ce qui manque le plus à nos entrepreneurs sur le plan fiscal", affirme celle qui a adressé des propositions en tenant compte de cet impératif.
Également partie prenante dans l'élaboration des recommandations qui serviront de socle au projet de loi, Stanislas Guerini, député de Paris, milite lui aussi pour favoriser la lisibilité du dispositif. "Il faut développer des outils plus simples, accessibles, incitatifs", estime-t-il. L'élu s'est prononcé également contre la fusion des dispositifs de participation et d'intéressement, qui ont chacun leur raison d'être.
De son côté, lors d'une autre table ronde, Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président délégué chargé à l'économie du Medef, appelle à une simplification de la participation. "Il faut laisser la possibilité d'avoir une formule par branche, pour la rapprocher de la réalité de l'entreprise", a-t-il affirmé.
Enfin, le forfait social fait également débat. Pour favoriser la mise en place de l'épargne salariale dans les PME, certains prônent sa simplification voire son abrogation. "Il a posé des problèmes considérables aux entrepreneurs", témoigne Nicolas Dufourcq de Bpifrance. Stanislas Guerini défend ainsi un forfait social à 8 % (contre 20 % pour la participation, l'intéressement ou le PEE/PEI). Geoffroy Roux de Bézieux, lui, préférerait le voir totalement disparaître. Une fin qui serait progressive "sur toute la durée du quinquennat".
"Il faut essayer de rester simple dans la réforme et ne pas céder à la tentative du bricolage. Chaque gouvernement a été tenté d'utiliser l'épargne salariale à des fins conjoncturelles. Non, l'épargne salariale n'est pas un couteau suisse. Chaque salarié doit comprendre que c'est le fruit de son travail qu'il touche", défend Michel Bon de Fondact, en clôture de l'événement.