[Dossier] Financement : ne ratez pas le coche
Publié par Véronique Meot le - mis à jour à
Qu'il s'agisse d'ouvrir son capital, de faire appel à l'emprunt bancaire ou aux modes de financement alternatifs, les solutions en faveur du développement des PME sont nombreuses. Mais elles doivent faire valoir leurs atouts.
200 millions de dollars ! C'est le ticket que Goldman Sachs vient de placer - via son fonds West Street Capital Partners VII - dans la pépite française de jeu vidéo Voodoo. L'annonce faite en mai illustre bien la tendance actuelle : sur le marché, l'argent est disponible mais alimente plutôt les projets portés par des start-up orientées à l'international ou par des ETI.
Par exemple, le fonds Tikehau NOVO 2018, doté de 212 millions d'euros et géré par Tikehau Capital a été officiellement lancé au mois d'avril. Il est structuré sous la forme d'un fonds commun de titrisation (FCT) de droit franc?ais ayant la qualité de fonds de pre^t à l'économie (FPE) et suivra une stratégie d'investissement similaire à celle du fonds NOVO 2, aujourd'hui investi en totalité. Pour rappel, NOVO 2 mis en place par la CDC en 2013, a permis de financer une vingtaine d'ETI et accompagné Chateauform', le spécialiste des lieux de séminaire ou encore Delfingen, équipementier automobile. Par principe, les investisseurs recherchent des perspectives de retour sur investissement fort.
Le chemin à parcourir pour financer le développement de PME traditionnelles affichant des perspectives moindres s'avère donc plus tortueux, mais possible.
Rechercher des investisseurs
Bpifrance milite en faveur de l'ouverture du capital des PME. En France, on le sait, les dirigeants sont frileux à cette idée. La méthode a pourtant fait ses preuves, apportant non seulement du cash, mais aussi de nouvelles perspectives à la structure en sortant le dirigeant de son isolement. Dans la pratique, l'ouverture du capital est un exercice qui réclame du temps, au moins six mois, voire plus. Les dirigeants d'entreprise peuvent prospecter les investisseurs en direct, mais l'exercice s'avère périlleux.
"J'ai perdu beaucoup de temps à rencontrer des fonds d'investissement", témoigne Richard Gaignon, CEO et co-président de 3D Ceram, une PMI qui produit des pièces en céramique. Après quelques mois de butinage, "je me suis aperçu que les fonds avaient une durée de vie et que nous arrivions soit trop tôt - ils étaient en recherche d'investisseurs potentiels ou pas prêts à investir - soit trop tard, en fin de vie", se souvient-il.
Autre difficulté, il s'agit d'un milieu assez fermé. L'idéal est de cibler les investisseurs attirés par le secteur d'activité et de bien comprendre leurs motivations, car elles doivent coller aux objectifs du chef d'entreprise. Mieux vaut se faire accompagner. Franck Gayraud, p-dg d'Arcure, une société créée en 2009 qui fournit aux industriels des capteurs intelligents aidant les machines à mieux comprendre et interpréter leur environnement, a fait appel à Optiva capital, une société de conseil, spécialisée dans les levées de fonds. Mais il y en a d'autres, tels que Chausson Finance, KPMG, etc.
Une autre solution consiste à passer par une banque d'affaires. À condition qu'elle accepte, car elle ne cible que les projets importants. Le réseau local du dirigeant peut aussi servir d'intermédiaire. Fin 2016, la région Nouvelle Aquitaine met les dirigeants de 3D Ceram en contact avec des fonds qui s'intéressent au secteur de l'impression 3D. Le projet n'aboutit pas. Les investisseurs leurs reprochent de n'être pas assez ambitieux. De leur côté, les dirigeants craignent que le capital soit trop dilué en s'engageant sur un deal supérieur...
Les experts s'accordent à dire qu'il est relativement facile de trouver des fonds pour des levées inférieures à un million d'euros ou supérieures à cinq millions d'euros. Entre les deux, c'est le trou d'air. "En 2012, nous avons rencontré les investisseurs de la place de Paris qui s'intéressent à l'innovation industrielle, soit une vingtaine. Parmi eux, une dizaine seulement dispose des fonds nécessaires (2,8 millions d'euros, NDLR) à la sortie de notre produit en série et à sa commercialisation", témoigne Franck Gayraud (Arcure).
Trois fonds figurent dans la short liste. "Finalement, on s'est choisit mutuellement. Nous avons opté pour l'offre qui se positionne le mieux en termes de valorisation", résume le dirigeant. Inocap sort donc leader. "Cette société de gestion indépendante cherche à soutenir des stratégies industrielles françaises, tournées vers l'export, ce qui est notre cas", ajoute Franck Gayraud. Entre les partenaires, le courant passe bien. Et l'entente ne s'est pas démentie depuis, Inocap ayant participé aux tours de table suivants entre 2014 et 2016.
Jouer la transparence
Pour trouver "son" partenaire, le chef d'entreprise doit jouer la transparence et prouver sa volonté de développer sa PME, d'être accompagné et de gagner en performance. "Nous recherchons un management de qualité, qui se distingue par son expérience, par son projet et par son implication. Il doit être actionnaire, cela nous permet de nous aligner plus aisément avec lui sur les objectifs de sortie en termes de valeur et de timing", déclare Marianne Harlé, directrice de Cabestan (Andera Partners), fonds qui agit sur le segment du LBO et du Capital Développement small caps en France.
Cabestan investit dans les sociétés françaises rentables et en croissance, affichant un chiffre d'affaires compris entre 10 et 100 millions d'euros, avec des tickets allant de quatre à 12 millions d'euros au premier tour, parfois plus (jusqu'à 17 millions d'euros) pour accompagner des opérations de croissance externe. La stratégie doit clairement être définie et le chef d'entreprise doit prendre soin de présenter un plan de développement de trois à cinq ans.
"Nous sommes là pour accompagner les dirigeants, ils doivent en retour être prêts à entendre nos propositions", ajoute Marianne Harlé. Les investisseurs sont attentifs au marché et à ses évolutions. Ils analysent donc les perspectives de croissance et la position des différents acteurs. "Un marché atomisé, ou en cours de consolidation, nous séduit", glisse la directrice de Cabestan.
"Pour financer l'expansion commerciale à l'internationale et la sortie d'une troisième version de notre produit, nous avons procédé à un nouveau tour, marqué par l'entrée de Siparex", indique Franck Gayraud. À date, trois fonds détiennent 55 % du capital de l'entreprise, les fondateurs 30 %, le reste étant entre les mains de plusieurs business angels.
Pour leur part, considérant qu'il était judicieux d'ouvrir le capital mais de façon progressive, les dirigeants de Size Factory ont opté pour un dispositif d'emprunt obligataire. "Nous émettons des obligations auxquelles l'investisseur souscrit. Nous sommes censés rembourser ce prêt dans cinq ans. En 2023, ils sortiront du capital et nous récupérons 100 % des parts. En cas d'incapacité, les investisseurs récupèrent des actions et entrent au capital de manière pérenne. Ce qui n'est pas, naturellement, notre objectif", témoigne Ludovic Chevalier, le co-gérant.
Le recours aux prêts
D'autres solutions existent. Raymond Dorge, expert-comptable, associé gérant du cabinet GMBA Walter Allinial à Orsay, conseille à ses clients, dirigeants de PME de solliciter l'emprunt bancaire : "les taux sont relativement bas actuellement, les PME ont intérêt à s'endetter pour financer leurs investissements et à préserver leur trésorerie via des emprunts sur sept ans par exemple".
Bpifrance, de son côté, finance la croissance (externe, interne, internationale) des entreprises via son offre de prêt sans garantie, de 3 à 7 ans, pouvant bénéficier d'un différé de deux ans. "Les interventions sont assez puissantes, puisque nous pouvons consentir jusqu'à cinq millions d'euros par an. Il est donc possible de mettre en place des financements de 15 millions d'euros sur trois ans pour financer le BFR d'une PME -ETI", déclare Thierry Martignon, directeur régional de Bpifrance Centre-Val de Loire.
Concrètement, la banque publique met à la disposition des entreprises des financements non affectés. "C'est un réel avantage par rapport aux banques qui réclament généralement des garanties réelles. Nous analysons le risque au regard des éléments fournis, mais le prêt n'est pas affecté", précise Thierry Martignon. Le prêt sans garantie bénéficie d'un différé de deux ans. En outre, sa mise en place est rapide - une dizaine de jours et les décisions sont prises à 90 % localement.
En complément, il est également possible de faire appel aux modes de financement alternatifs, aux plateformes de crowdfunding par exemple. "Les dirigeants de PME méconnaissent les solutions alternatives. Il va falloir du temps pour évangéliser la cible. Paradoxalement, nous pensions venir en aide aux petites entreprises et ce sont les PME assez grandes, voire les ETI, qui se tournent vers nous", constate Olivier Goy, président de Lendix, plateforme participative de prêt.
Pour déposer une demande, les PME doivent pouvoir justifier d'un chiffre d'affaires minimum de 250 000 euros et être rentable. "Le chef d'entreprise n'a pas besoin de séduire les investisseurs. Dès que notre équipe, convaincue de la capacité de remboursement de l'entreprise, valide un projet, le dossier est déposé sur la plateforme. Nous n'acceptons ni les start-up - non rentables - ni les sociétés en difficulté ou en retournement", indique Olivier Goy. Pour le reste, Lendix permet d'emprunter de 30 000 à cinq millions d'euros et de disposer des fonds rapidement, en une semaine.
Enfin, des aides sont à solliciter. Des régions à l'Europe, en passant par l'État, les dirigeants doivent faire le tour des coups de pouce proposés. En cas d'innovation, penser au crédit d'impôt recherche par exemple représente un plus. "Il représente un cumul de quatre à cinq millions d'euros au total pour nous. Et vient en soutien de notre effort de R & D, ce qui n'est pas négligeable", confie Franck Gayraud. Un pas de plus vers le succès !