Sarah Poniatowski (Maison Sarah Lavoine) : « Je grandis au fil des années »
Publié par Céline Tridon et Julien Ruffet le - mis à jour à
Elle est à l'origine d'une couleur, le bleu Sarah, et a signé les intérieurs de grandes entreprises, comme L'Oréal, et de particuliers esthètes. Mais elle est surtout une entrepreneure accomplie, à la tête d'une marque de lifestyle et d'art de vivre qui prospère d'année en année : Sarah Poniatowski présente Maison Sarah Lavoine.
D'architecte d'intérieur, vous êtes devenue une véritable CEO, à la tête de Maison Sarah Lavoine. Une marque de décoration, de prêt-à-porter, de cosmétiques même : pourquoi cette diversité de métiers ?
Il n'y avait pas forcément de business plan lorsque je me suis lancée. J'ai en effet commencé en tant qu'architecte d'intérieur, seule. J'ai grandi au fil des années et ce sont les rencontres humaines et les envies qui ont fait évoluer la marque... qui se développe très bien ! Nous sommes en pleine croissance.
C'est-à-dire ? Quels sont les chiffres de Maison Sarah Lavoine ?
Nous enregistrons 30 % de croissance annuelle. L'année dernière, notre chiffre d'affaires a atteint les 15 millions d'euros et nous employons 70 collaborateurs. La marque compte 14 points de vente en propre, dans toute la France.
Vous n'avez donc pas été impactés par la crise ?
Les gens étaient enfermés chez eux et leur première envie a été de prendre soin de leur intérieur. C'est une tendance qui s'est accentuée avec le télétravail. Plus que jamais, les Français font attention à leur lieu de vie. Ils se posent cette question : « Que puis-je faire pour être mieux chez moi ? »
Peut-on dire que la crise a été une opportunité ?
La crise n'a pas été une opportunité, mais elle a de toute évidence prouvé la résilience de notre business model. Notre spécificité est de pouvoir nous reposer non pas sur un business unique, mais sur plusieurs " business units ". Notre croissance a été le succès conjugué, en cette période singulière pour le retail, de notre métier d'architecte d'intérieur, de notre activité Contract et de la vente en ligne.
Quelle est la part du e-commerce dans votre activité ?
C'est la première boutique. Elle représente 20 % de notre réseau retail. à ce titre, les moyens alloués à la plateforme et aux leviers de marketing digital ont été accrus.
Vous avez évoqué la division Contract, lancée en 2019. Pourquoi avoir créé cette branche B to B ?
Pour Maison Sarah Lavoine, il s'agit plus précisément de "soft Contract". Ce n'est pas de la fourniture de matériel professionnel au sens strict, mais un conseil et de la vente aux pros, avec comme philosophie de donner une touche de « comme chez soi » à tous les espaces. Aujourd'hui, l'activité B to B représente 30 % de notre chiffre d'affaires.
Comment présenter la marque Maison Sarah Lavoine ?
C'est un univers global d'art de vivre et de lifestyle, avec tout ce qui rentre dans une maison, soit un vestiaire d'intemporels : aussi bien de la maroquinerie que du linge de lit, linge de table et arts de la table, meubles, etc. L'objectif est que les gens se sentent bien chez eux. Quand on rentre après des journées difficiles, la maison doit être un cocon, un havre de paix.
C'est ainsi que l'on pourrait définir l'esprit de la marque ? Par le bien-être ?
Pas seulement. C'est être heureux chez soi, être dans un univers qui est rassurant, tout en profitant d'une élégance et d'un raffinement. Nous ne sommes pas sur du sophistiqué, mais sur un style accessible et chaleureux. C'est un univers qui s'est déployé au fur et à mesure des collections. Il y a aussi une certaine forme d'irrévérence liée à la façon dont la marque Maison Sarah Lavoine s'est construite. C'est le cas par exemple de l'audace chromatique : la couleur est très présente. J'aime voir le monde en couleurs.
Comment vous inspirez-vous ?
Je suis très curieuse. Un tableau, une photo, la nature... Tout m'inspire ! Selon moi, on n'a pas fait plus beau que toutes les couleurs de la nature. Mais il y a aussi les expositions, les gens dans la rue.
Je suis très observatrice.
Qu'est-ce qui vous plaît dans le rôle d'entrepreneure ?
Les journées ne se ressemblent jamais. Je passe d'un sujet à un autre et suis en relation avec des personnes très différentes : les artisans, les fournisseurs, les designers et les clients. Quand j'étais petite, je voulais être comédienne. Ou clown (rires). Je n'avais pas du tout songé à l'entrepreneuriat. C'est une vocation qui est venue un peu par hasard, même si ma mère était elle aussi architecte d'intérieur.
Pourriez-vous vous considérer comme un role model, pour inspirer d'autres femmes à lancer leur entreprise ?
Je l'espère ! Je participe souvent à des forums féminins, à des discussions sur l'entrepreneuriat féminin. Durant ces rencontres, j'insiste sur le fait qu'il faille oser. Il faut arrêter de croire que les femmes sont moins fortes que les hommes : c'est même d'ailleurs tout le contraire (rires) ! Il faut croire en soi. Or, celles que je rencontre me disent souvent qu'elles ont peur. Bien sûr, ce n'est pas toujours facile, mais une fois qu'on y est, c'est un vrai accomplissement.
Le conseil que vous leur donnez le plus souvent ?
Il faut savoir s'entourer ! D'un homme ou d'une femme ! Pour un entrepreneur, c'est important d'être accompagné, tout en partageant les mêmes visions, les mêmes envies et les mêmes passions. En ce qui me concerne, je sais que
je peux compter sur édouard Renevier, mon directeur général. Nous nous sommes rencontrés il y a huit ans.
Je n'aurais pas autant développé la marque en étant seule.
Je suis féministe mais pas militante. Et il faut accepter qu'on est encore plus fort à plusieurs. Je souhaite affirmer mon statut de femme entrepreneure, mais aussi m'entourer d'hommes féministes. Pour moi, le féminisme n'est pas qu'une affaire de femmes !
D'ailleurs, vous avez multiplié les associations avec d'autres créateurs et marques. Est-ce une façon de valoriser Maison Sarah Lavoine ?
Il y a eu en effet la peinture avec Ressource, le papier peint avec Nobilis, les maillots de bain avec Eres, les lunettes de soleil avec Roussilhe : nous essayons toujours de nous
associer à des entreprises très fortes qui ont le savoir-faire qui nous manque. C'est une politique de partenariats extrêmement sélective, où il est question de passion, d'excellence et de fabrication la plus responsable possible.
Vous favorisez en effet beaucoup le savoir-faire local, l'artisanat...
C'est très important ! Il y a un savoir-faire en France, qu'il faut défendre, mais aussi en Espagne, au Portugal ou en Italie. Nous essayons donc de favoriser les fabrications de proximité : c'est une démarche que nous avons mise en place bien avant la Covid.
Comment sourcez-vous ces partenaires ?
Sélectionner le bon artisan, peut se révéler compliqué. Au début, on en trouve un qui peut faire deux tables, mais quand l'entreprise grandit, le petit artisan ne peut pas forcément suivre cette croissance. Nous passons nos journées à chercher les artisans qui peuvent nous accompagner sur le long terme. Nous devons industrialiser un minimum, mais cela reste de petites quantités. Nous essayons de ne pas produire trop, pour ne pas avoir de modèles de soldes. Les produits Maison Sarah Lavoine sont des objets intemporels, qui durent. C'est pourquoi nous privilégions les créations qui ne se démodent pas. Même s'il y a des nouveautés, il faut que vous ayez plaisir à ressortir la même assiette pendant des années !
Et après...
Sarah Poniatowski voudrait amener la marque à l'international. Maison Sarah Lavoine possède un réseau de revendeurs de 150 points de vente dans le monde. Elle a un showroom à New York, mais pas de boutiques en propre. Une autre idée évoquée ? Peut-être créer une chaîne d'hôtels...