Yvon Gattaz : "Pour réussir, il faut avoir la fièvre d'entreprendre"
Publié par Charles Cohen le - mis à jour à
Défenseur infatigable des chefs d'entreprise, l'ex-président du Medef, Yvon Gattaz, vient de publier le livre "Création d'entreprise, la double révolution". Un plaidoyer utile et lucide sur l'entrepreneuriat en France. Rencontre avec cette figure éminente du patronat.
Yvon Gattaz : Rappelons déjà que la France est enfin parvenue à rattraper son retard en matière de création d'entreprises. Si bien qu'elle affiche aujourd'hui l'un des taux de création par habitant parmi les plus élevés des pays industrialisés !
Une explosion tardive mais bien réelle, remontant à une dizaine d'années. L'année 2003 marque cette révolution avec 200 000 à 300 000 sociétés créées dans l'Hexagone contre à peine 150 000 durant les Trente Glorieuses. Un changement notable qui s'explique par l'engouement grandissant des étudiants pour l'entrepreneuriat. Exit les jeunes générations, certes innovatrices, mais frileuses à la création d'entreprise.
Pendant 40 ans, nous avons baigné dans un état d'esprit décourageant les jeunes à entreprendre et à développer leurs idées. J'entends encore certains professeurs de grandes écoles dire : "laissez nos élites sur les autoroutes de l'administration et des grands groupes en ne les égarant pas dans les sous-bois de l'entrepreneuriat".
Fort heureusement, les mentalités ont évolué grâce au travail de sensibilisation mené d'arrache-pied par des entrepreneurs, tel que moi, au sein des écoles et universités françaises pour prêcher la bonne parole et faire jouer à plein les vertus de l'exemplarité.
Yvon Gattaz : En effet, il reste un cap, et non des moindres, à franchir, celui de faire grandir nos TPE et PME ! C'est là tout l'enjeu de la performance économique de notre pays : le doter d'entreprises de croissance, capables de créer de l'emploi et de s'imposer à l'international.
Alors que certains voisins nord-européens ont su relever un tel challenge, en France, nous aimons encore cultiver le nanisme avec délectation. Ainsi, dans un environnement fiscal et social toujours plus décourageant, nous nous contentons de créer des entreprises qui restent petites.
Face à un tel climat, j'ai voulu écrire ce livre pour justement donner aux jeunes entrepreneurs cette volonté d'avancer avec ténacité, de réaliser leurs rêves coûte que coûte. Et ce, en leur dévoilant les mystères de la création d'entreprise en partant de zéro. Pour se faire, j'ai donné la parole à 13 créateurs de renom (Jean-Claude Decaux, Jacques-Antoine Granjon, fondateur de Vente-privee.com, Xavier Niel, patron de Free, etc.) qui partagent leur expérience, et notamment leur fibre entrepreneuriale faite d'instinct et d'intuition mêlés, de passion, de désir de changer le monde et d'innover.
Tout simplement de ne peut avoir peur d'y aller !
Lorsque j'ai crée ma société [lire encadré ci dessous, NDRL], avec mon frère, en 1952, nous étions deux jeunes ingénieurs partis de rien. Notre véritable fer de lance était la motivation. Le taux de croissance d'une nouvelle entreprise est souvent fonction du niveau d'instruction de son créateur. Si quelques autodidactes parviennent à exceller, le premier atout d'un jeune entrepreneur, c'est son niveau d'éducation.
Mais le diplôme est loin d'être suffisant. L'autre condition sine qua non est encore de trouver l'idée qui fera le buzz, tout en s'appuyant, si besoin, sur l'écosystème existant pour trouver les soutiens et financements nécessaires : pépinières, incubateurs, etc.
Je ne connais aucun projet de création d'entreprise qui ait échoué par manque d'argent. Le vrai pré-requis est d'avoir l'esprit, plus encore, la fièvre d'entreprendre. Autrement dit, le goût du risque et la rage de réussir.
*Création d'entreprise - La Double Révolution (éditions Eyrolles), par Yvon Gattaz, sortie en librairie le 6 février. 220 p., 20 €.
C'est âgé de seulement 27 ans, qu'Yvon Gattaz crée, en 1952, avec son frère Lucien, Radiall. Ils ont fait grandir l'entreprise familiale produisant des connecteurs coaxiaux pour téléviseurs, passant de TPE à PME à ETI et pour en faire un groupe multinational spécialisé dans la conception et la fabrication d'équipements électroniques. Aujourd'hui, Radiall est dirigé par son fils Pierre Gattaz, actuel président du Medef. Poste qu'il a lui aussi occupé : de 1981 à 1986, il a été président du CNPF (devenu le Medef). Par ailleurs, Yvon Gattaz milite dans le cadre de l'association Jeunesse et Entreprises ainsi qu'au sein de l'Asmep-ETI, qu'il a fondé et présidé de 1995 à 2013. Membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques depuis 1989, il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages dont Les Hommes en gris (Robert Laffont / 1970), premier ouvrage consacré à la création d'entreprise ex nihilo, qui fit date.