[Portrait] Denis Payre, du business à la politique
Publié par Isabelle Capet le | Mis à jour le
Entrepreneur à succès, Denis Payre n'a plus rien à prouver dans le petit monde des affaires. Aujourd'hui, il compte mettre son talent et sa fougue au service de la France avec son mouvement Nous Citoyens. Parcours d'un homme atypique.
Le 10 octobre 2013 est lancé Nous Citoyens. À l'origine de ce mouvement politique non partisan ? Un serial entrepreneur : Denis Payre. " L'idée est née à force de rencontrer des gens désemparés qui ne savent plus pour qui voter et qui veulent une réforme en profondeur de la France ", explique celui qui a démissionné de l'Autorité de la concurrence afin d'éviter tout conflit d'intérêts en lien avec son nouvel engagement.
Son projet politique repose sur neuf thèmes prioritaires, parmi lesquels l'éducation, l'emploi, l'environnement ou encore l'efficacité de la dépense publique. Et Denis Payre de citer des arguments chers aux entrepreneurs : un coût du travail élevé, une réglementation trop lourde, une formation professionnelle mal adaptée... "Nous pensons que le chômage n'est pas une fatalité, que les emplois publics ne sont pas la solution. Nous devons aider les créateurs d'emplois que sont les PME, les entrepreneurs, les artisans et les commerçants", peut-on lire sur Nouscitoyens.fr. " Les hommes politiques ne connaissent rien au management de proximité, n'ont jamais recruté de collaborateur ou fidélisé de client, s'exclame Denis Payre. Ils ne veulent pas prendre de risques. Alors, en politique comme en entreprise, quand ça ne va pas, il faut changer de collaborateur ! " L'objectif ? Être fin prêt pour la présidentielle de 2017.
L'entrepreneuriat dans le sang
Cet engagement prend tout son sens au regard de son parcours. Flashback.
Denis Payre grandit à Lyon, mais c'est à Paris qu'il fait ses études, à l'Essec. À sa sortie, il débute comme responsable commercial chez Oracle, l'éditeur de logiciels américain. Une expérience qui lui fait parcourir le monde et lui donne l'envie de créer sa propre société. Selon Denis Payre, il n'a eu aucun mérite à se lancer dans l'entrepreneuriat : " Je suis né dans une famille d'entrepreneurs. Mon arrière-grand-père a créé une entreprise de soierie lyonnaise, qu'il est allé développer jusqu'au fin fond du Canada. Quand on sait à quel point il était difficile d'aller à l'international à l'époque ! Très tôt, j'ai été confronté à ces valeurs de conquête, de prise de risques, sans en avoir peur. "
À 27 ans, il démissionne pour monter, avec un collègue, Business Objects, spécialiste des logiciels de business intelligence. " Nous avions envie de prouver qu'on peut exister sur ce marché dominé par les Américains. " Le projet rencontre le succès, se développant dans 50 pays, doublant son chiffre d'affaires tous les ans, et allant jusqu'à être coté au Nasdaq. Une première pour une entreprise française ! Les Américains sont fairplay : les deux créateurs sont élus "Meilleurs entrepreneurs de l'année", aux côtés de Steve Jobs et de Steven Spielberg !
Mais la vie d'un entrepreneur n'est pas toujours rose. Ainsi, deux lois initiées par Alain Juppé font voir rouge à Denis Payre : la première envisage de soumettre les stock-options à des charges sociales rétroactives, l'autre prévoit de déplafonner l'ISF. " Un désastre, se souvient l'ex-dirigeant. Nous avions donné des stock-options à tout le personnel, des secrétaires aux directeurs. Payer des charges rétroactives sur l'ensemble représentait une somme considérable. Impossible d'expliquer cela à nos actionnaires américains. Ils pensaient à une erreur de traduction quand je leur en parlais ! " Ensuite, le déplafonnement de l'ISF revenait à lui demander de payer un impôt faramineux sur une fortune qu'il ne possédait pas, son patrimoine étant composé en majorité d'actions d'entreprise...
Parallèlement, l'envie de se poser et de s'occuper de sa famille (il s'est entre-temps marié et a eu quatre enfants) se fait sentir. Il se désengage de l'opérationnel, pour ne rester qu'au conseil d'administration. " L'enjeu était devenu moins important... Il faut dire qu'on avait franchi l'Everest ! " Denis Payre ne reste pourtant pas longtemps inactif. " J'ai choisi d'accompagner les entrepreneurs qui ont besoin de conseils et d'investissements. " Une démarche qui le mène à fonder l'association CroissancePlus, dont le but est de promouvoir les entreprises en forte croissance. Par ce biais, il mène son combat contre les lois Juppé en rencontrant des politiques de tous bords. En vain à l'époque.
Puis, en 1998, c'est la fracture : " Je suis parti sans me priver de dire ce que je pensais. " Avec un nouveau projet en tête, mais destiné à prendre vie en Belgique. Il y crée l'équivalent européen de CroissancePlus. Ces dix ans d'exil vont aussi lui donner l'occasion de cofonder sa seconde success story : Kiala. Là encore, le succès est au rendez-vous : l'entreprise compte aujourd'hui plus de 7 000 points de livraison dans plusieurs pays et réalise un chiffre d'affaires de 50 M€. En février 2012, le géant américain UPS se porte acquéreur de Kiala.
Denis Payre retrouve alors sa liberté en septembre 2013, avec l'envie de se lancer dans un nouveau projet. Il sera politique cette fois. " J'ai été mis à la porte de mon pays à 34 ans à cause d'une classe politique déconnectée et qui a largement aggravé les choses pendant mes dix ans d'absence. " Fera-t-il bouger les lignes ? L'avenir nous le dira.
1963 : Naissance à Lyon.
1990 : Cofonde sa première entreprise : Business Objects.
1996 : Élu "Meilleur entrepreneur de l'année" par le magazine américain Business Week.
1997 : Lance l'association CroissancePlus.
1998 : Part pour la Belgique.
2001 : Cofonde l'entreprise Kiala.
2008 : Revient en France.
2012 : Cède Kiala à UPS.
2013 : Lance le mouvement Nous Citoyens.