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[Saga] La Boule Obut, star incontestée des boulodromes depuis près de 60 ans

Publié par Carine Guicheteau le | Mis à jour le

Avec un chiffre d'affaires de 16,5 M€ en 2012, La Boule Obut, dirigée par Pierre Souvignet, est arrivée à s'imposer, comme la référence de la pétanque, en France comme à l'international. Elle s'est appuyée pour cela sur trois leviers : l'innovation, la communication et les partenariats.

Ce n'est pas en Provence mais bien aux portes de l'Auvergne, dans le petit bourg de Saint-Bonnet-le-Château - autoproclamé "capitale mondiale de la pétanque" - qu'est basée La Boule Obut, leader du jeu de boules made in France depuis près de 60 ans. Sur ce secteur de niche, La PMI familiale, qui réalise un chiffre d'affaires de 16,5 M€ en 2012 et emploie 105 collaborateurs, règne sans partage. Elle détient en effet plus de 85 % du marché français et 75 % du marché mondial. Dirigée par Pierre Souvignet, l'entreprise a réussi à tirer son épingle du jeu en alliant modernité et tradition.

Retour aux origines

Si l'entreprise se transmet chez les Souvignet depuis maintenant près de quatre générations, elle a été fondée à l'origine par d'autres entrepreneurs. En 1955, le fabricant de serrures Frédéric Bayet et le mécanicien Antoine Dupuy décident d'allier leurs savoir-faire pour surfer sur la vague de la nouvelle activité à la mode dans la France d'après-guerre : la pétanque. Le jeu connaît en effet un souffle nouveau depuis que Jean Blanc, autre figure de Saint-Bonnet-le-Château et fondateur de la marque de boules JB, inventa la boule en acier en 1927, ringardisant ainsi les boules en bois.

Pierre Souvignet et son fils Romain, dirigeants de La Boule Obut

Dès 1958, à la recherche d'investisseurs pour accélérer le développement de l'usine, les fondateurs se tournent, via une connaissance commune, vers Jean Souvignet et ses deux fils, Georges et Robert, qui rachètent 75 % des parts de l'usine. La famille Souvignet est à l'époque spécialisée dans la sous-traitance de fourches télescopiques pour cyclomoteurs et voit dans la marque Obut, une opportunité à saisir au vol. Leur intuition est la bonne. Assistés à la technique par Antoine Dupuy puis par son fils André, les Souvignet investissent dans l'appareil productif et développent de nouveaux procédés de fabrication.

La qualité et la précision de finition de ses boules creuses en acier font rapidement la renommée de la marque Obut en France et à l'international dès les années 60. Résultat, trois décennies de croissance durant lesquelles l'entreprise réalise de belles opérations de croissance externe avec le rachat de ses principaux concurrents directs, La Boule noire en 1987 et la marque de boules JB en 1993.

Une solide notoriété

Après son grand-père Jean, son oncle Georges et son père Robert, Pierre Souvignet reprend les rênes de la société en 1995. À l'époque, la marque bénéficie déjà d'une forte notoriété auprès du grand public, liée entre autres aux multiples spots publicitaires diffusés depuis le début des années 70 sur les grandes chaînes de radio et télévisions nationales. Depuis 1960, l'entreprise édite tous les ans le titre Pétanque Magazine, retraçant les temps forts de l'année. Une image de marque renforcée également par des partenariats avec les diverses fédérations sportives dont la Fédération française de pétanque et de jeu provençal (FFPJP) et le sponsoring de compétitions majeures (Championnats du monde, Masters de Pétanque...) et de champions.

Malgré cette solide renommée, le dirigeant doit gérer un défi de taille à son arrivée : développer son activité face à l'arrivée massive de produits asiatiques à bas prix sur le marché français. " Beaucoup me conseillaient d'acheter nos produits directement en Chine. J'ai préféré me recentrer sur la valeur ajoutée de nos boules tout en maintenant l'intégralité de la production à Saint-Bonnet-le-Château ", raconte Pierre Souvignet, président de la Boule Obut. Résultat, au lieu d'abaisser ses prix, le dirigeant repositionne la marque sur le haut de gamme.

Un choix judicieux étant donné le niveau d'exigence du processus d'homologation des boules de compétition, un segment qui représente actuellement la moitié du volume des ventes et 70 % du chiffre d'affaires. Il prend également le pari de diversifier son offre en surfant notamment sur la vague de la personnalisation. À l'instar de sa collection "Tatou Me", lancée en 2011, qui propose divers motifs de gravure. Les clients peuvent graver leurs boules à leur nom ou à l'effigie de leur marque (gammes déclinables en cadeaux d'affaires).

Refonte du réseau de distribution

Un repositionnement qui s'accompagne d'un réaménagement total du réseau de distribution de la marque. " Nous étions très dépendants de la grande distribution alimentaire qui générait plus de 60 % de notre chiffre d'affaires dans les années 80 et 90, raconte le dirigeant. Plutôt que de faire des promotions à tout va, nous avons décidé de diversifier le réseau de revendeurs en privilégiant les distributeurs spécialisés dans la pétanque ou les sports et loisirs, mieux à même de valoriser nos produits. Si bien que la grande distribution représente moins de 20 % de nos ventes aujourd'hui. " La marque référence d'ailleurs sur son site marchand Labouleobut.com (10 % du CA) plus de 150 magasins 'experts Obut' s'engageant à respecter une charte (meuble corner de présentation des produits, vendeurs formés...).

Plusieurs chantiers stratégiques que Pierre Souvignet mène à bien en s'attaquant à un autre challenge : la restructuration de l'actionnariat familial. Car, un autre problème se pose rapidement au dirigeant : celui de gérer les multiples intérêts des actionnaires, une quinzaine de personnes à l'époque réparties entre les familles Souvignet et Dupuy. " Je sentais que ça allait très vite devenir ingérable, chacun ayant des vues différentes concernant l'avenir et la gestion de l'entreprise. J'ai entrepris en 2003 de racheter l'ensemble des actions de la société. " Dix ans plus tard, le président de la holding, qui vient tout juste de rembourser son emprunt, ne regrette rien. S'il s'est senti certes plus isolé après le rachat, il réussit à porter librement des projets qui lui tiennent à coeur, notamment dans la protection de l'environnement.

Cap sur le tourisme industriel

Aujourd'hui, Pierre Souvignet se lance un nouveau défi, celui de développer son offre détente et loisirs au-delà de ses seuls produits. " Nous souhaitons accompagner nos produits jusqu'au bout en investissant dans des lieux d'animation et de convivialité autour de la pétanque ", affirme Pierre Souvignet. Son père, Robert, avait créé le musée international de la pétanque, en 1991. Lui va plus loin sur le credo du tourisme industriel.

En mars 2012, il ouvre le "Carré pétanque", un complexe de loisirs sur le site de l'usine, qui regroupe le musée, la boutique Obut, un restaurant et des terrains de pétanque dédiés aux particuliers comme aux entreprises désireuses d'organiser des séminaires atypiques. Toujours dans cette même volonté de rapprochement avec l'utilisateur final, Obut lance une application gratuite pour iPhone, "Obut M-mesure", capable de mesurer précisément la distance entre les boules et le cochonnet.

Sur un marché mondial estimé à 22 M€, Pierre Souvignet compte bien développer, dans les années à venir, l'export qui ne représente aujourd'hui que 10 % de l'activité. Il commercialise déjà ses jeux de boules dans une trentaine de pays : de la Belgique à la Thaïlande en passant par la Norvège et même - pied de nez à la concurrence - la Chine. L'usine, quant à elle, ne risque pas de quitter ses montagnes du Haut-Forez. La relève semble déjà assurée avec un autre Souvignet, Romain, le fils de Pierre et directeur général de la PMI, bien décidé à faire rouler l'affaire familiale le plus loin possible.

Carte d'identité - La Boule Obut
Activité : Fabrication et vente de boules de pétanque
Ville : Saint-Bonnet-le-Château (Loire)
Forme juridique : SAS
Dirigeants : Pierre Souvignet, 53 ans, et Romain Souvignet, 29 ans
Date de création : 1955
Date de reprise : 1995
Effectif : 105 salariés
CA 2012 : 16,5 M€
Dates-clés
1955 : création de la marque Obut
1958 : entrée de la famille Souvignet au capital
1960 : premier numéro de Pétanque Magazine
1973 : premières campagnes publicitaires grand public
1991 : ouverture du musée international de la pétanque
1995 : Reprise de l'entreprise par Pierre Souvignet
2003 : Pierre Souvignet rachète l'ensemble des actions
2004 : Certification ISO 14001
2012 : Inauguration du Carré pétanque

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