Les entreprises à la conquête de l'or bleu
Publié par Mickaël Deneux le - mis à jour à
Face à l'explosion démographique et au réchauffement planétaire, les ressources en eau utilisables se réduisent considérablement sur le globe. Cet enjeu planétaire constitue néanmoins un terreau propice pour les entreprises souhaitant y développer leurs activités.
Le constat paraît alarmiste. D'après des chiffres de l'OCDE, datés de 2016, l'approvisionnement en eau pourrait être "insuffisant" ou "dramatiquement insuffisant" pour la majorité des habitants de la planète en 2025. D'après l'organisme, les facteurs à l'origine de cette situation de crise, comme le réchauffement climatique, ne vont pas disparaitre.
En point d'orgue, une explosion démographique est annoncée : d'ici 2030 la population humaine devrait atteindre huit milliards d'habitants, selon l'ONU. Les Nations-Unies estiment également que les deux tiers de l'humanité vont se trouver en situation de stress hydrique d'ici sept ans. Bien le plus précieux, l'eau semble inéluctablement se raréfier dans l'utilisation courante qu'en fait l'homme.
Paradoxalement, l'eau reste encore abondante sur le globe. Selon Alexandre Brun, maître de conférences à l'université Paul Valéry de Montpellier et membre de l'unité ART-dev rattachée au CNRS : "L'eau qui tombe du ciel, qui s'écoule dans les rivières et qui s'évapore via les mers et les océans, reste une masse d'eau constante à la surface du globe. Et ce, depuis toujours."
Pour le scientifique, auteur de l'ouvrage Le Partage de l'eau, une réflexion géopolitique, la problématique n'est pas la question de la disponibilité de l'eau, qui restera abondante dans les années à venir, mais plutôt son usage. A l'échelle globale, il s'agit surtout d'une question de gouvernance : "Il y a une inégalité entre les pays et les régions du monde en matière d'accès à l'eau. Tous ne disposent pas de la même ressource en fonction de leur localisation géographique", précise-t-il.
La pénurie d'eau en chiffres :
- 2,1 milliards de personnes n'ont pas d'eau potable à domicile (source : OMS/UNICEF, 2017)- 40% de la population mondiale est touchée par une pénurie d'eau (source : ONU 2018)
- 70% des prélèvements mondiaux d'eau douce émanent de l'agriculture (source : FAO)
Rendre l'eau potable
D'après l'expert, il existe quatre typologies de pays dans le monde. Tout d'abord, les pays riches sur le plan économique et jouissant de ressources hydriques abondantes, à l'image du Canada. Viennent ensuite les pays riches qui souffrent de ressources hydriques, comme les états du Golfe ou encore Israël. Troisième catégorie, les états économiquement pauvres mais abondants en eau. Enfin, les états aux ressources financières insuffisantes et en situation de pénurie d'eau.
D'où certains paradoxes. Une série de pays en voie de développement se trouvent riches en eau mais subissent tout de même des situations de pénurie : "Disposer de ressources n'est pas suffisant. Il faut être capable de traiter l'eau brute pour la rendre potable. Il faut ensuite acheminer l'eau dans les villes, les campagnes, les ménages et les entreprises", abonde Alexandre Brun, précisant que 15% de la population n'a pas l'accès à une eau potable. D'où une opportunité potentielle pour les entreprises (voir encadré).
D'autres usages nécessitent aussi le recours à une eau brute, non traitée. C'est le cas de l'industrie ou des producteurs d'hydroélectricité qui n'ont pas besoin d'utiliser d'eau potable. "Ces grands secteurs d'activité pompent dans les eaux superficielles comme les lacs, les rivières, les ruisseaux, les eaux souterraines et les nappes phréatiques. Ce qui perturbe l'hydrosystème", note le spécialiste.
Témoignage
"Deux milliards de personnes n'ont pas accès à l'eau potable au quotidien"
Hervé Le Berre, dg de Sunwaterlife
Acheminer de l'eau potable dans les villages reculés des pays en voie de développement et en situation de stress hydrique. Tel est le challenge relevé par Sunwaterlife, une start-up toulousaine créée en octobre 2014. Elle a développé une valise facilement transportable qui permet de filtrer l'eau impropre. "Notre produit est équipé d'une double membrane et d'un panneau solaire qui fournit l'énergie. Il élimine les bactéries et les dissout dans l'eau", avance Hervé Le Berre, directeur général.
L'instrument est aussi doté d'un système de rétro lavage permettant une utilisation autonome et réduisant la maintenance du système. La solution permet de produire de 1 à 20 mètres cubes d'eau. La jeune pousse travaille sur des zones géographiques où "la problématique ne va pas forcément porter sur la quantité, mais plutôt sur la qualité de l'eau. Sur ces continents, l'eau est médiocre et impropre à la consommation. Aujourd'hui, deux milliards de personnes n'ont pas accès à l'eau potable au quotidien ", précise-t-il.
L'entreprise équipe des ONG, des fondations, des gouvernements et des ministères. Des clients institutionnels qui mettent l'eau à disposition des concitoyens. La start-up déploie aussi un système de purification d'eau permettant de fournir de l'eau potable en grande quantité (jusqu'à 800 L/heure). Avec une ambition : "notre stratégie est de nous positionner sur un marché énorme et exponentiel, existant sur au moins trois continents : l'Asie du Sud-Est, l'Afrique et l'Amérique du Sud. Il n'y a presque pas de concurrents. Il y a vraiment de la place pour tout le monde", conclut-il.
Sunwaterlife
Activité : concepteur de systèmes de purification d'eau
Statut : SAS
Création : 2014
Dirigeants : Christophe Camperi-Ginestet, président, 51 ans ; Hervé Le Berre, dg, 52 ans.
Siège : Toulouse (Haute-Garonne)
CA 2017 : 500 K€
Effectif : 6 collaborateurs