Histoire d'entreprise : la chute de Go Sport
Publié par Colin de Korsak le - mis à jour à
Retour sur l'enseigne d'articles de sport, qui a longtemps été parmi les leaders de son secteur en France, avant de connaître un redressement judiciaire et un rachat. Décryptage d'un succès fulgurant, d'une chute prévisible et de ses enseignements.
Go Sport, vendeur d'articles de sport, a longtemps été une référence en France dans son domaine. Face à une stratégie inadaptée, la crise sanitaire et un rachat désastreux, l'entreprise a été placé en redressement judiciaire. Découvrez les moments clés qui ont fait le succès de l'entreprise ainsi que sa chute.
Les débuts prometteurs
Go Sport a ouvert ses portes en 1978 dans les Alpes, après les JO d'hiver de Grenoble. Crée par Léon et Lucien Odier, l'enseigne a su attirer une clientèle importante. Les premiers magasins sont rapidement devenus des points de rendez-vous pour les amateurs de sport.
Les années 90 et 2000 ont vu Go Sport atteindre son apogée. L'enseigne a su capitaliser sur les grands événements sportifs, comme la victoire de la France en Coupe du Monde de football en 1998. Cette année le chiffre d'affaires de l'entreprise avoisinait les 380 millions d'euros. En 1999, la marque comptait 85 magasins en France et plus de 3000 salariés selon Les Échos. Les magasins Go Sport étaient omniprésents dans les centres commerciaux et les zones urbaines, et chaque ouverture de magasin était un événement.
Au début des années 90, Go Sport a renforcé sa présence sur le territoire français. De grandes villes comme Lyon, Marseille et Lille ont vu l'ouverture de magasins, souvent situés dans des emplacements stratégiques tels que les centres commerciaux et les artères principales.
L'enseigne a également été pionnière dans l'introduction de nouvelles marques sur le marché français. Le groupe Go Sport a par ailleurs crée l'entreprise Courir, qui a connu un grand succès auprès des adeptes des sneakers. La société a également été l'un des premiers détaillants à proposer des équipements de sports émergents, comme le paddleboard ou le crossfit, anticipant ainsi les tendances.
Dans les années 2000 et 2010, Go Sport s'est lancé à la conquête de nouveaux marchés. L'enseigne a ouvert des magasins dans plusieurs pays européens, notamment en Espagne, en Pologne et au Portugal. Le Moyen-Orient est également devenu un marché clé, avec des ouvertures de magasins à Dubaï et en Arabie saoudite. Durant cette période dorée, Go Sport a également affiné son modèle économique. L'enseigne a mis en place un système d'adhésion offrant des réductions et des avantages exclusifs, fidélisant ainsi sa clientèle. De plus, en diversifiant son offre, en proposant par exemple des services de location d'équipements ou des ateliers de réparation, Go Sport a su créer une véritable communauté autour de sa marque.
Les premiers signes de faiblesse de Go Sport
L'explosion du commerce en ligne a été l'un des plus grands défis pour Go Sport. Des géants comme Amazon, ainsi que des spécialistes tels que Decathlon, ont investi massivement dans leurs plateformes en ligne, offrant aux consommateurs une facilité d'achat sans précédent. Go Sport, malgré ses tentatives, a tardé à développer une présence en ligne solide et compétitive. Leur site web, souvent critiqué pour sa lenteur et son manque d'intuitivité, n'était pas à la hauteur des attentes des consommateurs modernes.
Outre la concurrence en ligne, Go Sport a également dû faire face à une concurrence accrue sur le terrain. Souvent dans l'ombre de Decathlon, Go Sport ne détenait que 5 % des parts de marché face à ses concurrents. Des enseignes comme Intersport ou Sport 2000 ont renforcé leur positionnement, offrant des produits similaires, voire identiques, souvent à des prix plus compétitifs. La guerre des prix, couplée à des offres promotionnelles agressives, a érodé les marges de Go Sport.
De plus, l'expansion internationale, de la marque a connu des échecs. L'entrée sur le marché asiatique, par exemple, n'a pas porté ses fruits. Des erreurs d'appréciation des besoins locaux, couplées à une mauvaise gestion des coûts, ont conduit à la fermeture prématurée de plusieurs magasins en Asie.
La rapide expansion, tant au niveau national qu'international, a nécessité d'importants investissements. Cependant, avec la baisse des ventes et des marges réduites, le service de la dette est devenu un fardeau. De plus, les coûts opérationnels élevés, notamment en raison de la location de magasins dans des emplacements coûteux, ont pesé sur la rentabilité de l'entreprise.
Pourtant, en 2018, le groupe Go Sport affichait encore de bons résultats. En effet, la marque employait encore 4900 salariés, plus de 500 boutiques dans 20 pays. Par ailleurs, l'entreprise tentait encore de se développer en Asie, selon la presse régionale.
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La crise sanitaire et le rachat par Intersport
La pandémie de COVID-19, qui a frappé le monde en 2020, a été un véritable séisme pour de nombreuses entreprises, et Go Sport n'a pas été épargné. Alors que l'enseigne montrait déjà des signes de faiblesse, la crise sanitaire est venue amplifier ces difficultés, agissant comme le coup de grâce pour une entreprise déjà en proie à des défis majeurs.
L'une des premières conséquences directes de la pandémie a été la fermeture obligatoire des magasins non essentiels dans de nombreux pays, dont la France. Pour Go Sport, cela signifiait que la majorité de ses points de vente étaient soudainement à l'arrêt, privant l'entreprise de ses principales sources de revenus. Ces fermetures, qui ont duré plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains magasins, ont eu un impact financier immédiat.
Même après la réouverture des magasins, la demande pour les équipements sportifs a été impactée. Avec les restrictions sur les événements sportifs, les fermetures de salles de sport et les limitations sur les rassemblements, de nombreux consommateurs ont réduit ou reporté leurs achats d'équipements sportifs. La pandémie a accéléré la transition vers le commerce en ligne. Les consommateurs, confinés chez eux, se sont tournés massivement vers les achats en ligne.
Face à ces difficultés, Michel Ohayon, homme d'affaires Bordelais, a racheté l'entreprise à l'été 2021. Celui qui a également racheté Camaïeu, a mené l'enseigne à sa perte. Son empire de société, basée sur la dette, a conduit Go Sport à la faillite. Le businessman avait promis des investissements massifs aux employés de Go Sport, qui ne parviendront jamais. Début 2023, un audit constatait des impayés à hauteur de 36 millions d'euros chez Go Sport.
En outre, un contrat de sponsoring douteux à près de 2 millions d'euros a été signé en 2022 alors que les finances de l'entreprise étaient dans le rouge. Effectivement, Michel Ohayon a déployé un partenariat entre Go Sport et une équipe de cycliste de troisième division. Ce contrat sera examiné par la justice. Franceinfo résumait la situation, juste avant l'acquisition de Go Sport par Intersport :
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Vers un nouvel avenir ?
La mise en redressement judiciaire de Go Sport est un rappel brutal de la nécessité pour les entreprises de s'adapter constamment à un environnement en évolution rapide. Cependant, Go Sport existe toujours. L'enseigne a été racheté par Intersport pour 35 millions d'euros. La plupart des magasins repris ont été transformés en boutique Intersport. Néanmoins, une vingtaine de magasins sont restés des enseignes Go Sport. Ceux-ci se sont tournés davantage vers les sports outdoor.